La BCE envisage de relever ses taux en juillet

19 mai 2022

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Le durcissement de la rhétorique de la BCE annonce une première hausse de taux en juillet.
  • Les arguments en faveur d'un relèvement de taux sont beaucoup plus décisifs en 2022 qu'en 2011.
  • Nous prévoyons deux ou trois hausses de taux supplémentaires après l'été.

L'ère de l'argent gratuit en Europe vit ses derniers instants. C’est ce qui est apparu clairement ces dernières semaines, quand de plus en plus de membres du directoire de la Banque centrale européenne ont plaidé ouvertement en faveur d'un taux directeur plus élevé. La prochaine réunion qui se penchera sur les taux se tiendra en juin, mais ce sera probablement trop tôt pour un relèvement des taux d’intérêt. Il faut d'abord mettre fin aux achats d'obligations, et quelques semaines plus tard, lors de la réunion du 21 juillet, un relèvement de taux pourra enfin intervenir, pour la première fois en plus de dix ans.

Il est urgent que la banque centrale change de cap, car l'inflation s’envole dans la zone euro, atteignant un niveau record de 7,5%. Les fonctionnaires de la BCE redoutent de plus en plus que les conséquences de l'invasion de l’Ukraine par la Russie maintiennent plus longtemps l'inflation à un niveau élevé, de loin supérieur à l’objectif de 2%. Tant parmi les consommateurs que dans les entreprises et sur les marchés financiers, les attentes en matière d'inflation ont déjà bondi, ce qui alimente le risque que l’inflation élevée s'installe dans l'économie. À terme, une hausse des taux – qui renchérit l’emprunt et rend l'épargne plus rentable – devrait pousser à la baisse les attentes à l’égard des hausses des prix et de l’inflation.

D’autres banques centrales, telles que la Fed aux USA et la Bank of England, ont déjà revu plusieurs fois à la hausse leur taux directeur en 2022. En temporisant, la BCE ne se rend pas service, car l’intervalle de temps pour un relèvement des taux d’intérêt se rétrécit. Les coûts économiques de la guerre en Ukraine ralentissent de plus en plus la croissance en Europe. Récemment, la Commission européenne a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour cette année, de 4 à 2,7%. La probabilité que l'économie soit à nouveau en récession après la crise du Covid-19 a clairement augmenté.

Les rares opposants à un relèvement des taux – parmi lesquels l’Italien Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE – invoquent le risque de récession comme argument pour encore attendre avant de relever les taux d'intérêt. Fabio Panetta rappelle notamment que, la dernière fois que la BCE a décidé une hausse de taux, en 2011, il s’est avéré par la suite que c’était une erreur. Après à peine deux relèvements de taux, la BCE avait dû revoir ses taux à la baisse car l'économie partait dans le rouge. Avec le recul, les hausses de taux de la BCE en 2011 ont effectivement été considérées comme une erreur politique, mais la comparaison avec la situation actuelle est boiteuse.

À l'époque, l'inflation était relativement modérée et, hormis la hausse des prix de l'énergie, il n'y avait aucun signe de tensions sous-jacentes sur les prix. À l’heure actuelle, l’inflation globale et l’inflation sous-jacente sont toutes deux beaucoup plus élevées, et certains signes indiquent que cette situation va persister. Des enquêtes montrent qu'une majorité d’entreprises européennes ont l'intention de continuer à répercuter la hausse de leurs coûts opérationnels. De plus, la situation actuelle sur le marché de l’emploi est radicalement différente de celle de 2011. À l’époque, avec un taux de chômage de plus de 10%, l'emploi se remettait à peine de la crise financière et de la récession qu’elle avait entraînée. Aujourd'hui, le taux de chômage européen est de 6,8%, son plus bas niveau historique, et les offres d'emploi atteignent des niveaux record. Les arguments en faveur d'une hausse des taux en 2022 sont donc beaucoup plus décisifs qu'en 2011.

Par conséquent, une hausse d’au moins 0,25% par la BCE lors de la réunion monétaire de fin juillet se justifie certainement. Mais que se passera-t-il après l'été ? Trois autres réunions devant statuer sur l'évolution des taux figurent au calendrier. Nous partons du principe qu’il y aura encore deux ou trois relèvements des taux de 0,25%: d’ici la fin de l’année, les taux courts ne seront donc plus négatifs.

 



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