La guerre en Ukraine alimente les craintes de stagflation en Europe

25 mars 2022

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Le conflit en Ukraine est à l’origine de l’effondrement de la confiance des consommateurs en mars.
  • Les enquêtes menées auprès des entreprises européennes mettent en lumière une pression continue sur les prix.
  • Les effets de la guerre pèsent temporairement sur la reprise économique de la zone euro.

Guerre et vision positive de l’économie ne vont pas de pair; c’est ce que montrent une fois de plus les sondages menés en mars auprès des entreprises et des consommateurs. Ces sondages nous donnent un premier aperçu des effets économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et le tableau est plutôt sombre. La confiance des consommateurs dans la zone euro s’est effondrée en mars, tombant à son plus bas niveau depuis mai 2020, au moment où le covid-19 a fait ses premiers ravages. Ce mois-ci, le moral des consommateurs belges a même subi le plus gros coup depuis le début des statistiques en 1985. Les ménages ont une vision négative de la situation économique et de leur capacité à épargner. La guerre sur le sol européen génère beaucoup d’incertitude à un moment où de nombreux Européens souffrent déjà d’une forte inflation. Le récent choc sur les marchés de l’énergie et la hausse des prix des denrées alimentaires risquent d’en rajouter une couche.

Cela ne présage rien de bon pour les dépenses des ménages dans les mois à venir. Avant la guerre, les économistes (dont ceux de la BCE) s’accordaient à dire que l’épargne accumulée pendant la pandémie jetterait les bases d’une hausse des dépenses des ménages cette année – hausse favorisée par la levée progressive des mesures contre le covid-19 et par la liberté de mouvement retrouvée. Le choc des prix de l’énergie du mois dernier est venu ternir cette perspective. La situation économique incertaine va pousser les ménages à se montrer plutôt prudents. Même si les ménages épargnent de l’argent en 2022, celui-ci servira essentiellement à compenser la baisse de pouvoir d’achat et non à consommer plus.

Les ménages ne sont pas les seuls à souffrir de la hausse des prix. L’inflation est également la principale préoccupation des chefs d’entreprise. Pour l’instant, la demande se maintient bien. Même si l’indice de confiance des entreprises S&P Global PMI pour la zone euro a connu une légère baisse en mars, il dénote toujours une croissance de l’activité. C’est principalement dans le secteur des services que les entreprises ont vu la demande continuer à augmenter après l’assouplissement des restrictions covid. Mais la pression sur les prix augmente rapidement dans de nombreux secteurs. Les indices de prix des enquêtes européennes menées auprès des entreprises indiquent une forte augmentation du coût des intrants et la répercussion de celle-ci sur le consommateur. L’indice des prix à la production a bondi de 62,3 à 65,7 en mars – un nouveau record et le signe que d’autres pressions inflationnistes sont à prévoir.


En outre, les entrepreneurs actifs dans l’industrie déclarent que la guerre aggrave à nouveau les problèmes d’approvisionnement en matières premières et en matériaux. Il ressort d’une enquête menée par les chambres de commerce et d’industrie allemandes que 60% des entreprises connaissent davantage de perturbations de la chaîne d’approvisionnement en raison de la guerre. L’industrie automobile notamment est confrontée à de nouveaux problèmes opérationnels consécutifs à la guerre, tandis que la pénurie de semi-conducteurs se poursuit. BMW et Volkswagen ont dû mettre leurs sites européens temporairement à l’arrêt ce mois-ci en raison d’interruptions dans l’approvisionnement en pièces détachées provenant d’Ukraine.

La plus grande économie de la zone euro a terminé l’année 2021 sur une note négative et doit maintenant faire face à un nouveau coup dur. Si le PIB allemand se contracte à nouveau au premier trimestre – et tout semble l’indiquer –, nous pourrons officiellement parler de récession chez nos voisins de l’est.

C’est en Allemagne que les effets économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie se font le plus ressentir, mais le reste de la zone euro ne sera pas non plus épargné. La guerre alimente l’inflation et freine la croissance par la hausse des prix de l’énergie, la multiplication des goulets d’étranglement dans l’approvisionnement et une incertitude économique croissante. On désigne par le terme « stagflation » une situation combinant une augmentation de l’inflation et une stagnation, voire une contraction de l’activité économique. L’économie européenne avait repris des couleurs au début de l’année, mais la guerre en Ukraine met un frein à cette reprise pour le moment. Dans notre scénario de base, nous nous attendons à ce que la conjoncture s’améliore à nouveau au second semestre de 2022.

 



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