BCE: vaine discussion sur la baisse du taux

29 octobre 2021

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Les marchés monétaires s’attendent à ce que la BCE augmente le taux pour la fin 2022.
  • Lagarde donne des explications sur l’inflation élevée dans la zone euro mais ne convainc pas.

En réalité, la réunion de la BCE d’octobre aurait dû être un non-événement. En effet, il n’y avait pas de grandes décisions à l’ordre du jour ce mois-ci. Lors de la réunion précédente en septembre, les principaux points avaient été reportés à la réunion de décembre. Le taux de dépôt de la Banque centrale européenne reste donc à -0,5 pour cent. De même, les programmes de rachat ne changent pas encore. Le Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) de 1.850 milliards d’euros se poursuivra jusqu’à fin mars 2022, mais à un rythme moins soutenu que les trimestres précédents, avait déjà annoncé la BCE en septembre.

Néanmoins, la réunion monétaire d’hier n’était pas monotone. Sur le plan économique, beaucoup de choses ont changé ces derniers mois et la question était de savoir comment les décideurs politiques à Francfort y réagiraient. "Nous avons parlé de l’inflation, de l’inflation et encore de l’inflation", a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse de jeudi. Ces derniers mois, l’inflation dans la zone euro a augmenté plus fortement que prévu pour atteindre son niveau le plus élevé en treize ans. La présidente, Christine Lagarde, a reconnu que l’inflation restait plus longtemps que prévu au-dessus de l’objectif de la BCE. Elle a expliqué que cette situation était due à des facteurs temporaires en lien avec la pandémie et que dès lors, ils allaient disparaître. La hausse considérable des prix de l’énergie y est pour quelque chose et s’atténuera en 2022.

En matière de reprise économique aussi, la situation est différente de ce qu’elle était il y a quelques mois. Cette semaine, le gouvernement allemand a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2021. Au lieu d’une croissance du PIB de 3,5 pour cent, Berlin ne table plus que sur 2,6 pour cent cette année. Les prix de l’énergie élevés et les pénuries de puces électroniques et d’autres pièces sont depuis des mois une entrave pour l’industrie allemande et commencent également à peser sur les ventes.

La combinaison croissance plus faible et inflation plus élevée ne facilite pas la tâche de la BCE. Doit-elle combattre l’inflation en augmentant le taux – le réflexe spontané de la plupart des banquiers centraux – ou continuer à soutenir la reprise après Covid et laisser les taux directeurs aux niveaux bas actuels? Cette discussion crée un fossé béant entre les ‘faucons’ et les ‘colombes’ à la BCE. Les faucons sont les gouverneurs qui sont en faveur d’une politique monétaire plus stricte assortie de taux d’intérêt plus élevés afin de maîtriser l’inflation. Les colombes, en revanche, sont favorables à une politique plus souple (avec des taux plus bas) afin de stimuler l’économie.

Cette discussion fait également rage sur les marchés financiers, mais leur analyse est différence de celle de la BCE. Ils craignent que la flambée d’inflation dans la zone euro ne soit pas temporaire mais qu’elle durera plus longtemps. Ces dernières semaines, les ‘futures’ ont augmenté sur le marché monétaire et une hausse de taux d’environ 0,25 pour cent est attendue pour la fin 2022. Lagarde a déclaré lors de la conférence de presse que cette vision ne correspondait pas aux prévisions de la BCE mais elle n’est pas parvenue à endiguer la spéculation en matière de hausse des taux.

La pression à la hausse sur les taux n’est pas seulement due aux explications imprécises de la Banque centrale à Francfort. D’autres banques centrales ont déjà fait savoir qu’elles voulaient majorer les taux anticipativement parce que l’inflation restera supérieure à leur objectif. La Bank of England, notamment, est sur la bonne voie pour augmenter son taux directeur en novembre ou décembre.

Sur les marchés obligataires, les investisseurs ne semblaient pas davantage convaincus par les explications de la BCE. Les taux à long terme ont augmenté dans la crainte que l’inflation ne reste élevée plus longtemps. Les responsables de la politique monétaire à Francfort ont intérêt à bien tenir à l'œil les prévisions en matière d’inflation. Elles sont importantes car elles peuvent constituer la transition entre une hausse temporaire de l’inflation, par exemple via des prix volatils de l’énergie, et une hausse structurelle de l’inflation via les salaires. En effet, les prévisions en matière d’inflation jouent un rôle lors des négociations salariales. Il n’y a provisoirement aucun signal d’une spirale prix/salaire dans la zone euro mais cela peut changer si les marchés ont l’impression que la BCE est en retard sur les faits. La prochaine réunion de décembre sera dès lors très importante. Non seulement la BCE doit annoncer à combien s’élèveront les achats d’obligations à partir de l’an prochain mais elle divulguera aussi de nouvelles projections économiques. Espérons que l’on saura alors aussi qui l’emportera à Francfort, les faucons ou les colombes.


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