Après-Covid: explosion ou effondrement des natalités?

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Depuis l’été dernier, on observe un recul du nombre mensuel des naissances en Belgique.
  • La pandémie engendre de l’incertitude économique, et de jeunes couples postposent leur projet de fonder une famille.
  • La surmortalité temporaire due au Covid-19 n'impacte pas le vieillissement de la population.

Au début de la pandémie, beaucoup plaisantaient sur le fait que les confinements provoqueraient un baby-boom et une montée en flèche du nombre des naissances. Mais presqu’un an plus tard, il semble que ce soit le contraire qui se produise. Selon des chiffres provisoires du gouvernement, en janvier 2021, dans notre pays, on a recensé 1.035 naissances en moins par rapport à janvier 2020, soit une chute de 10,7 pour cent. Depuis l’été 2020, on constate un net recul du nombre des naissances en Belgique (Graphique 1).

Dans des pays comme l'Espagne, la France et l'Allemagne, les statistiques provisoires indiquent également une diminution du nombre des naissances. Une tendance qui est en lien avec le Covid-19. La crise sanitaire et ses conséquences socio-économiques engendrent de l’incertitude, et davantage de jeunes couples postposent la réalisation de leur désir d’enfant. La mise à l’arrêt partiel de l’économie pèse sur les revenus et ravive la crainte de perdre son emploi. En 2020, le nombre de licenciements secs est resté limité grâce aux mesures d'aide temporaires du gouvernement. Mais pour cette année, on prévoit au moins 70.000 demandeurs d'emploi supplémentaires et une augmentation du taux de chômage à 7,1% en Belgique. Étant donné ces perspectives moroses, certains jeunes choisissent de rester plus longtemps chez leurs parents avant de « quitter le nid » et de fonder leur famille. Le taux élevé d'occupation des lits d’hôpitaux pourrait aussi les inciter à postposer leurs projets de naissance. De plus, le confinement restreint les interactions sociales, ce qui peut peser sur la formation de nouveaux couples et ménages.

Par le passé, une économie chahutée et un marché de l'emploi morose ont déjà entraîné une chute du taux de natalité. Dans la foulée de la précédente récession provoquée par la crise financière de 2008, les chiffres de natalité avaient commencé à baisser (Graphique 2). Après une décennie de baisse ininterrompue, l’espoir renaissait de voir s’inverser la tendance négative à partir de 2020, mais la crise du Covid-19 est venue mettre son grain de sable dans ce processus.

Dans ses dernières perspectives pour la population belge, le Bureau fédéral du Plan prévoit que la pandémie mettra aussi un frein au nombre de naissances à moyen terme.

Cette évolution est due à la baisse du nombre moyen d’enfants par femme, également dénommé taux de fécondité. Dans les cinq prochaines années, ce chiffre restera en dessous de 1,6 – un taux largement inférieur à celui de 2,1 qui est nécessaire pour garantir le remplacement des générations.

Outre le nombre de naissances, le Bureau du Plan fait des projections concernant la mortalité et la migration afin de déterminer la croissance de la population et des ménages jusqu'en 2070. Les perspectives démographiques permettent de voir plus clairement à quoi ressemblera la société du futur. Pour les décideurs politiques, elles constituent un apport crucial pour élaborer une politique à long terme en matière de logement, de consommation d’énergie, de vieillissement de la population, et dans d'autres domaines.

En raison de pandémie de Covid-19, le nombre d'habitants supplémentaires en Belgique serait de 8 000 en 2020, contre une moyenne annuelle de 52 000 au cours des 30 dernières années. En 2021, la population devrait à nouveau augmenter (+30 000 habitants supplémentaires). À long terme, la population belge continue de croître (12,8 millions d’habitants en 2070 par rapport à 11,5 millions en 2020), mais à un rythme moins soutenu que la moyenne observée sur les 30 dernières années.

Graphique 1


Source : Statbel *: chiffres définitifs **: chiffres provisoires


Graphique 2


Source : Bureau fédéral du Plan ; SPF Économie - Statbel



Les chercheurs du Bureau du Plan ont calculé qu'en 2020 – en grande partie à cause de Covid-19 – on a dénombré quelque 16 000 décès supplémentaires, soit 14% de surmortalité. La surmortalité en 2020 entraîne une diminution temporaire de l’espérance de vie de dix mois mais n’a aucun impact sur le vieillissement de la population à moyen et long terme. Le nombre de personnes en âge de travailler pour une personne de 67 ans et plus diminue à un rythme soutenu jusqu'en 2040 (3,7 en 2020 et 2,6 en 2040). Cette baisse s’explique par le fait que la génération du babyboom atteint progressivement l’âge de 67 ans et plus.

Dans les prochaines années, les chiffres de natalité indiqueront si la réouverture de la société induit ou non un baby-boom. Mais une chose est sûre : même après le Covid-19, la population va continuer de vieillir, avec tous les défis que cela implique pour la société.


Source : Perspectives démographiques, 2020-2070, Bureau fédéral du Plan, mars 2021.



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