Les gagnants et les perdants du commerce non alimentaire

Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Belfius analyse la baisse du chiffre d’affaires de ses clients professionnels dans le secteur du commerce de détail non alimentaire
  • Dans le commerce de détail, tous les magasins n’ont pas été touchés dans la même mesure par la crise
  • À la réouverte en décembre, les magasins de vêtements et de chaussures tournaient encore avec un chiffre d’affaires inférieur de 13% à la normale

Belfius suit de près l’impact du Covid-19 à l’aide des données anonymisées des comptes de ses clients professionnels. Pour savoir dans quelle mesure les commerces non alimentaires ont été touchés l’année dernière par le virus et par les mesures de confinement, nous comparons leur chiffre d’affaires en 2020 avec leur chiffre d’affaires au cours de la même période en 2019. Les graphiques illustrent l’évolution du chiffre d’affaires sur une base mensuelle.

La crise du Covid-19 a fait des ravages l’année dernière dans les commerces non alimentaires belges. Les raisons ? Deux périodes de fermeture forcée, des clients qui ne viennent plus au magasin par peur du virus ou à cause de mesures qui rendent le shopping moins agréable, et l’essor ultra-rapide de l’e-commerce auquel beaucoup d’entreprises belges de commerce de détail n’étaient pas ou pas assez préparées. La concurrence d’acteurs digitaux étrangers comme Amazon, Bol.com, Zalando ou Coolblue est meurtrière.

Mais tous les commerces de détail n’ont pas été touchés dans la même mesure par la crise. Nous faisons par conséquent une distinction entre sous-secteurs en fonction du type de produits que l’on vend. Si les magasins de vêtements et de chaussures gardent difficilement la tête hors de l’eau, les magasins de bricolage, par exemple, ont fait une excellente année.


Vêtements et chaussures

Les magasins de vêtements et de chaussures sont en effet les plus gravement touchés, avec de grosses pertes pendant les confinements et un redressement incomplet ensuite. Les exploitants de ces magasins ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 72% au plus fort de la crise en avril. Après la réouverture, nous avons observé un mouvement de rattrapage en juin, lequel a toutefois été de courte durée. La baisse du chiffre d’affaires en juillet et la hausse du chiffre d’affaires en août par rapport à 2019 sont une conséquence du déplacement de la période des soldes de juillet en août. En septembre, le chiffre d’affaires a de nouveau été inférieur de 15% à la normale et en octobre de 12%. L’effet du deuxième confinement en novembre (baisse de 48% du chiffre d’affaires) a une fois encore été dramatique. Nous observons un impact un peu moindre qu’au confinement du printemps, ce qui peut s’expliquer par une vente plus importante en ligne et la possibilité de venir retirer des marchandises en magasin, mais nous devons être prudents avec les chiffres de novembre. Si nos chiffres Belfius collent en général relativement bien aux chiffres de Statbel, c’est moins le cas pour les magasins de vêtements et de chaussures en novembre, principalement parce que nous n’observons pas encore un si grand fléchissement durant la première semaine de novembre. Sur la base des déclarations TVA, Statbel rapporte une baisse beaucoup plus forte au mois de novembre, comparable à la baisse pendant le premier confinement. Beaucoup de grandes chaînes de magasins ont été à nouveau presque totalement à l’arrêt pendant le deuxième confinement, fait savoir Comeos, la fédération du secteur.

Après la réouverture des magasins de vêtements et de chaussures en décembre, nous n’avons pas observé le même mouvement de rattrapage qu’en juin, avec un chiffre d’affaires qui est resté inférieur de 13% à son niveau normal, et qui est ainsi comparable au niveau de chiffre d’affaires d’avant le deuxième confinement. Sans doute tout ceci est-il lié au fait que nous nous trouvons toujours dans une période de semi-confinement et que la peur du virus est bien présente chez les consommateurs. En ce début d’année, les soldes d’hiver ont également démarré au ralenti, a fait savoir l’organisation des entrepreneurs indépendants SNI (Syndicat neutre des Indépendants). Pour beaucoup de commerces, cette période des soldes est pourtant essentielle pour qu’ils puissent convertir leurs stocks importants en liquidités de manière à payer leurs frais fixes.

Informatique et télécom

Certains commerçants se sont par contre frotté les mains l’année dernière, comme les vendeurs de matériel informatique et produits télécom. Avec le télétravail devenu obligatoire, beaucoup de gens ont été contraints d’équiper complètement leur bureau à la maison avec du matériel informatique. Après le confinement, nous avons vu ces achats retomber.


Produits pharmaceutiques, médicaux et cosmétiques

La vente dans les pharmacies a fait un bond en avant sous l’effet de la pandémie, avec une augmentation des ventes de médicaments, de vitamines et de gel désinfectant pour les mains. Par la suite, nous observons une normalisation du chiffre d’affaires. Les produits cosmétiques et autres articles de beauté se vendent en revanche moins bien en ces temps de Covid-19 où ils sont devenus plus ou moins superflus puisque nous sortons peu de chez nous et que nous portons des masques.


Embellissement de la maison et passe-temps

Les marchands d’articles de bricolage, meubles, luminaires et appareils électroménagers, ou encore les vendeurs de livres, jouets, vélos et articles de sport n’ont pas connu une mauvaise année. Certains peuvent même parler d’une année-record. Après une baisse du chiffre d’affaires pendant le premier confinement, nous avons assisté à une ruée sur les magasins de bricolage lors de leur réouverture le 18 avril. Sous l’effet de la pandémie, le Belge s’est retiré dans son habitation et consacre pas mal d’argent à l’équipement, l’embellissement et la décoration de sa maison. En l’absence d’autre passe-temps, nous nous sommes de surcroît mis à fond au vélo et au sport, et nous avons investi davantage dans des jouets pour amuser nos enfants. Les vacances à la maison de cet été ont aussi contribué à cette évolution. L’argent qui est d’habitude dépensé pour partir en vacances à l’étranger a en partie été consacré à l’amélioration du logement et aux hobbies.

 

Le secteur du commerce non alimentaire est très diversifié, mais si on le considère dans son ensemble, l’avenir y est plutôt sombre. D’après l’enquête de l’Economic Risk Management Group, quelque 21% des travailleurs de ce secteur étaient encore en chômage temporaire en décembre. 14% des entreprises jugent une faillite probable ou très probable. L’année passée, nous avons déjà assisté à plusieurs faillites, restructurations et reprises dans le secteur. Si les conditions ne changent pas rapidement, nous pouvons nous attendre à beaucoup de faillites et de licenciements supplémentaires en 2021. Un soutien public ciblé reste par conséquent nécessaire pour la survie de nombreux commerces. Des initiatives comme www.acheterlocal.be peuvent amortir le choc pour le tissu économique local.

 




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Graphiques : chiffre d’affaires mensuel (% de changement en 2020 par rapport à 2019)

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