La transmission d'une entreprise familiale est une affaire délicate. Une bonne préparation est essentielle pour que tout se passe bien. Jozef Lievens, avocat et professeur, a lui-même grandi dans une entreprise familiale. Il partage son expertise, en tant que co-fondateur et administrateur délégué de l’Instituut voor het Familiebedrijf. Nous avons eu un entretien passionnant avec lui sur les facteurs de succès d’une transmission réussie.

Briser le tabou


Le point de départ essentiel pour toute transmission? En discuter d’abord avec vos proches! «Pour éviter les conflits et préserver l’équilibre familial, il faut pouvoir parler librement de la succession. Auparavant, c’était un sujet tabou, aujourd’hui c’est de moins en moins le cas. Mon conseil? Mettez le sujet sur la table au bon moment, et surtout d'une manière qui ne paraît pas menaçante pour la génération des seniors.»

Pour que cette discussion familiale soit fructueuse, il vaut mieux poser des questions ouvertes qui ne bloque pas les participants. En effet, la transmission reste une question émotionnelle pour les cédants: «Les patrons s’identifient à leur entreprise et quand ils doivent céder le pouvoir, ils semblent perdre leur identité. Ils doivent alors changer de rôle et trouver un nouveau sens à leur vie.»


Un successeur compétent


«Il n’y a pas de transmission réussie sans un successeur qualifié. Mais quelles qualités doit avoir le successeur? C’est une question très importante à laquelle il faut répondre le plus objectivement possible. Sans cela, on risque de mettre en péril, voire de perdre, le patrimoine familial» explique le professeur Lievens, qui décrit les qualités souhaitées: «Le futur dirigeant doit avoir l’esprit d’entreprise et une bonne dose d’intelligence de l’activité. Il doit connaître comment fonctionne l’entreprise, quel est son marché et son évolution, quels sont ses défis futurs...

L’intelligence familiale est également importante: quels sont les besoins et les souhaits de la famille et comment y répondre au mieux. Enfin, il faut une intelligence de la gouvernance, c’est-à-dire le fonctionnement et le contrôle interne de l’entreprise mais également son lien avec la famille et les différentes parties prenantes dans tous ses domaines d'activité. Comment optimiser le conseil d’administration, avec des externes? Quelles réunions familiales organisons-nous? À quelle fréquence?»


Un nouveau rôle clair pour le cédant


«Les successions réussissent ou échouent souvent en fonction du changement de rôle du cédant», poursuit Jozef Lievens. «Cet entrepreneur qui s’est donné corps et âme pour développer l’affaire familiale pendant 30 à 40 ans, doit maintenant en perdre le contrôle. Il se pose alors bien souvent des questions sur son identité et sur son avenir personnel. Lors de nos entretiens, j’aborde souvent ce sujet délicat avec lui et nous en discutons explicitement ensemble.

Quel nouveau rôle allez-vous adopter? Comment voyez-vous votre nouvelle vie? Qu’est-ce que cela implique sur vos activités quotidiennes? Il est alors primordial pour le cédant de prendre conscience de cette situation inédite. Si celui-ci ne parvient pas à s’adapter à son nouveau statut de «retraité», s'il n’accepte pas de céder le rôle de dirigeant, des conflits apparaîtront avec son successeur, c’est certain!»

Céder les rênes au bon moment


Le professeur Lievens pense également qu’il y a un âge pour passer le flambeau de l’entreprise familiale: «L’âge idéal se situe autour de 35 à 40 ans pour le successeur et entre 60 et 67 ans pour le cédant. Cela s’explique par la psychologie du développement. C’est vers l’âge de 35 ans que le souhait de «to be your own man or woman» et d’autonomie est le plus grand. D’autre part, au niveau du cédant, on constate que la résistance au changement augmente à l’approche des 65-70 ans. Mieux vaut donc ne pas tarder!»

Outre cet âge idéal, on examine aussi les antécédents professionnels du successeur. Lievens cite deux écoles: l’une plaide pour l’expérience à l’extérieur de l’entreprise, l’autre pour l’expérience en son sein. «La 1re école avance que vous devez faire vos armes dans un autre environnement professionnel, et ce, pendant 5 à 10 ans. Vous faites ainsi vos erreurs de jeunesse ailleurs, loin de l’entreprise familiale, sans vous couvrir de honte. Cela permet aussi d’y poser un regard neuf. De plus, en réussissant bien ailleurs, le successeur peut revenir fièrement dans l’entreprise familiale, avec un bon palmarès sous le bras.

L’autre école assure qu’il faut débuter en bas de l’échelle au sein-même de l’entreprise et gravir les échelons au fur et à mesure. Ainsi, vous en connaissez parfaitement tous les rouages et vous forcez le respect de tous les travailleurs en montrant que vous n’avez pas peur de mettre les mains dans le cambouis.»


Faire une donation ou vendre


La dernière étape du processus consiste à la cession-même de l’entreprise: allez-vous la donner ou la vendre à votre successeur (même si c’est votre enfant ou un membre de la famille)? Jozef Lievens souligne deux critères importants: «Il y a le critère financier: puis-je vivre de mes économies si je donne mon entreprise? Cela implique l'établissement d'un plan financier, pour lequel les banques, comme Belfius, peuvent apporter leur aide.

L’autre critère est l’engagement du successeur. Même si ce n’est pas financièrement nécessaire, certains entrepreneurs décident de vendre leur entreprise car ils estiment que celle-ci ne peut pas tomber toute cuite dans le bec de leur successeur.

Ils pensent que, pour s’impliquer davantage, ce dernier doit faire un effort financier personnel.» Lievens souligne que les études plaident légèrement en faveur d’une vente: «Si vous investissez votre propre argent dans une affaire, vous êtes bien plus engagé à mieux la diriger et à la développer.»

 
 

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Vous souhaitez transmettre votre entreprise familiale? Grâce à notre partenariat avec ‘Het Instituut voor het Familiebedrijf’, nous pouvons vous aider à mener à bien cette étape importante de votre vie d’entrepreneur. Vous souhaitez en discuter avec nous? N'hésitez pas à contacter votre spécialiste Business Banking. Il se fera un plaisir de vous aider.

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