L’Europe se bat pour l’industrie verte

16 février 2023

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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Après plus de six mois de débats et de discussions, la réponse européenne à l’IRA américain prend enfin forme. IRA est l’abréviation de Inflation Reduction Act, lequel a été signé en août dernier par le président Biden. Cette loi n’a cependant guère de rapport avec la réduction de l’inflation puisqu’elle n’aura pas d’impact notable sur les chiffres de l’inflation en 2023 et 2024. De quoi s’agit-il alors ? Avec ce plan, les Américains entendent jouer un rôle prépondérant en matière d'énergie verte et, à cette fin, le gouvernement Biden prévoit 369 milliards de dollars de subsides et réductions d'impôts.


Les USA ont un certain retard à rattraper dans la transition énergétique. Pour les véhicules électriques (VE), par exemple, l’Europe représente plus de trente pour cent de la production mondiale, contre seulement dix pour cent pour les USA. Avec cette nouvelle loi, les consommateurs américains reçoivent jusqu’à 7.500 dollars d'avantages fiscaux quand ils achètent un nouveau VE. Mais à des conditions strictes. Le montage final du véhicule doit être fait sur le sol américain, et au moins la moitié de la batterie doit également y être fabriquée. En fait, ces dispositions sont contraires aux règles du commerce international de l’OMC car elles sont discriminatoires à l’égard des fabricants automobiles en dehors des États-Unis. L’IRA prévoit également des mesures de stimulation similaires pour les secteurs de l’énergie éolienne et solaire, l’hydrogène vert et le stockage de CO2. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui qualifient cette loi de protectionniste, surtout en Europe, mais également dans le reste du monde.


Les USA ne sont évidemment pas la seule grande puissance à distribuer des subsides et à favoriser ainsi sa propre industrie. La Chine soutient ses entreprises de cette manière depuis des décennies. Selon l’UE, les subsides chinois représentent un pourcentage du PIB deux fois plus élevé qu’en Europe, et génèrent souvent un résultat. C’est ainsi que les Chinois ont réussi en peu de temps à devenir un leader mondial dans la production de panneaux solaires.


L’UE doit mettre d'urgence une stratégie au point à l’égard de tous ces subsides afin de protéger la compétitivité de la cleantech européenne. À défaut d’une approche crédible en réaction à l’IRA, les entreprises menacent de partir aux USA pour y profiter des subsides considérables. Cela entraînerait non seulement une perte d’emplois et de la prospérité économique, mais cela nuirait également à l'autonomie de l’UE en matière de transition énergétique. Une grande partie des chaînes d’approvisionnement pour les VE, éoliennes etc. se trouve en effet à l’étranger.


La réponse de la Commission européenne est enfin arrivée ce mois-ci: un Green Industrial Plan qui doit accroître la compétitivité de l’industrie neutre sur le plan climatique en Europe. Le plan UE reposera sur quatre piliers: la réglementation, les aptitudes, le commerce et le financement. Il existe un large accord concernant les trois premiers piliers. Une diminution des tracasseries et de la bureaucratie devrait permettre d'accélérer l’octroi de permis pour les sites de production d'éoliennes, panneaux solaires, hydrogène et autres technologies vertes. Pour développer l’industrie verte en Europe, il va falloir beaucoup plus de travailleurs dotés des connaissances techniques nécessaires. La Commission propose de créer des Net-Zero Industry Academies, des établissements d’enseignement qui apporteraient leur aide pour la reconversion et le recyclage dans les secteurs stratégiques. Pour ce qui est du commerce, l’UE va encore miser davantage sur les accords de libre échange. Dans ce cadre, l'accent est mis sur la protection de l’acheminement suffisant de matières premières critiques, pour lesquelles l’Europe dépend actuellement trop fortement de la Chine.

Toutefois, concernant le financement de toutes ces mesures, les avis sont encore partagés. Le moyen le plus rapide de trouver des fonds pour les secteurs verts consiste à assouplir temporairement les règles en matière de soutien public, une option qui plairait bien à l’Allemagne. Les États membres pourraient ainsi plus facilement subsidier les technologies liées à l’énergie renouvelable et offrir des avantages fiscaux aux entreprises actives dans les secteurs stratégiques. Mais tous les États membres ne sont pas d'accord. Les plus petits pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, ont moins de budget à consacrer au soutien public et craignent que cela entraîne des distorsions sur le marché intérieur européen. La Commission européenne partage cette préoccupation et propose de combiner l’assouplissement des règles en matière de soutien public avec le financement au niveau UE. Pour ce faire, il faut créer un nouveau fonds européen, financé par des prêts communs. Cette proposition se heurte à l'opposition du gouvernement allemand, notamment, qui souligne que de nombreux prêts du fonds de relance après la pandémie n'ont toujours pas été utilisés et que, dès lors, un nouveau fonds n’est pas nécessaire.


Lors du sommet européen des 9 et 10 février, les chefs de gouvernement européens ont soutenu les grandes lignes du plan relatif à l'industrie verte, mais il faut encore élaborer les détails ces prochaines semaines, surtout concernant le financement. Les chefs de gouvernement essaieront à nouveau d'arriver à un consensus sur ce dossier important lors de la réunion du Conseil européen fin mars. Il ne faut pas perdre de temps car les consommateurs américains profitent déjà d’une série de nouvelles réductions fiscales depuis le début de cette année lorsqu’ils font le choix d’une consommation énergétique plus propre.


Sources :


The Green Deal Industrial Plan: putting Europe's net-zero industry in the lead, February 2023

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_510

www.ie.org Global EV Outlook 2022

https://www.vbw-bayern.de/vbw/Publikationen/Effekte-der-chinesischen-Subventionspolitik-auf-Deutschland.jsp


Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque ne contient pas de conseil ou de recommandation d’investissement personnalisé, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. N'hésitez pas à contacter votre conseiller financier si vous désirez recevoir des conseils d’investissement personnalisés. Il se fera un plaisir d’examiner avec vous les conséquences éventuelles de cette vision sur votre portefeuille personnel d’investissements. Les chiffres mentionnés reflètent une situation à un moment donné et sont susceptibles d’être modifiés.

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