L’économie britannique bat de l'aile

9 février 2023

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Le Royaume-Uni est le seul pays du G7 dans lequel une récession est attendue en 2023.

  • Dans de nombreux domaines, l'économie britannique est à la traîne par rapport au reste de l'Europe.

  • Le Brexit a affaibli la position commerciale du Royaume-Uni au niveau international, il pèse sur l’afflux d’investissements étrangers et alimente la pénurie de main-d'œuvre.

À la fin du mois dernier, le Fonds monétaire international a annoncé les nouvelles perspectives de croissance économique pour le G7. Avec un bonnet d’âne pour le Royaume-Uni… L'économie britannique est la seule du groupe à se diriger vers plusieurs trimestres de croissance négative en 2023. Soit, en d’autres termes, une véritable récession.


Pourtant, il y a des similitudes avec la situation économique en Europe continentale. Les Britanniques sont également aux prises avec une inflation extrêmement élevée, qui booste les coûts pour beaucoup de familles et d’entrepreneurs. À l'instar de la BCE, la Bank of England est contrainte de relever fortement ses taux d'intérêt, ce qui renchérit l’emprunt et ralentit l’activité économique. Tant chez nous qu’au R.U., les entreprises peinent à trouver du personnel en suffisance.

Mais dans beaucoup de domaines, les Britanniques ont chaque fois un score à la traîne par rapport à l’Europe continentale. L’an dernier, l'inflation au R.U. a atteint en moyenne 9%, contre 8,4% dans la zone euro. Cet écart en termes d’inflation va encore se creuser en 2023, puisqu’on prévoit un recul à un niveau moyen de 6,3% dans la zone euro, contre une baisse à 7,5% seulement au Royaume-Uni. Résultat: la banque centrale de Londres se voit contrainte de relever ses taux plus rapidement et davantage que celle de Francfort. Depuis fin 2021, son taux directeur a déjà augmenté de 3,9%, soit presque un pour cent de plus que le resserrement monétaire opéré par la BCE durant la même période. Le déficit budgétaire du Royaume-Uni est également plus important que celui de la zone euro. En novembre, l'OBR – l’organisme de surveillance des finances publiques britanniques – a calculé que le déficit public 2022 dépasserait 7% du PIB.


Les perspectives économiques du Royaume-Uni continuent de s'assombrir. La baisse récente des prix de l'énergie au niveau international est une aubaine, mais cela ne suffit pas à empêcher un recul des dépenses de consommation. En effet, outre l'inflation élevée, les ménages britanniques sont confrontés à la hausse des taux hypothécaires et à une baisse des prix de l'immobilier. Une reprise de la consommation n’est attendue qu’après l’été. Des enquêtes menées auprès des entrepreneurs indiquent que les investissements des entreprises sont également à la traîne. Hausse des taux d'intérêt, augmentations salariales et perspectives incertaines: autant de facteurs qui incitent les entreprises à postposer ou remiser leurs projets d'investissement. Selon la banque centrale, environ un tiers des entreprises prévoient d'investir moins au cours des douze prochains mois.

Bien entendu, les mauvaises performances économiques du R.U. ne datent pas d'hier. À l’automne dernier, elles étaient toujours en-deçà de leur niveau pré-Covid, alors qu'entre-temps, l'économie de la zone euro a déjà bondi de plus de 2% par rapport à sa situation d’avant la pandémie. Il est indéniable que le Brexit joue un rôle important dans cette underperformance économique du Royaume-Uni. Bien que la Grande-Bretagne ait voté dès 2016 en faveur de sa sortie de l’Union européenne, ce n’est que le 1er janvier 2021 que cette sortie du marché interne et de l'union douanière est entrée en vigueur. Deux ans plus tard, le bilan économique de sa sortie de l’UE est de plus en plus évident.


En matière de commerce international, le R.U. est devenu un acteur plus modeste. Le Brexit a mis des barrières commerciales aux entreprises britanniques ainsi qu’aux sociétés étrangères désireuses d’utiliser la Grande-Bretagne comme base pour leurs activités. Tout cela pèse lourd sur le volume des échanges commerciaux et mine les investissements étrangers. En quittant l'UE, le Royaume-Uni s’est aussi fermé davantage à l’immigration. Après 2018, l’afflux en provenance de l'UE a diminué. Conséquence: le nombre de résidents nés dans l'UE qui quittent chaque année le R.U. dépasse le nombre de nouveaux arrivants. Et l’économie est confrontée à une grave pénurie de main-d’œuvre. Une étude récente indique que le Brexit a entraîné un déficit de 330.000 unités de main-d'œuvre britannique, principalement dans l'économie requérant une main-d’œuvre peu qualifiée.


La sortie de l'UE pourrait causer des dommages durables à l'économie britannique. La diminution des investissements des entreprises étrangères constituera un handicap à la fois pour la concurrence, l'innovation et la croissance de la productivité. Le déficit de main-d’œuvre met aussi un frein à la croissance potentielle.  Si les gouvernements actuels et futurs n’arrivent pas à inverser la tendance, le fossé entre l’économie du R.U. et celle de la zone euro risque de se transformer en véritable précipice.


Sources : 


IMF World Economic Outlook , January 2023

Bank of England,Monetary Policy Report, February 2023


Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.

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