La crise énergétique sape la confiance des Européens

24 août 2022

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • En août, l'activité économique dans la zone euro est en recul pour le deuxième mois consécutif.
  • La reprise dans le secteur des services est paralysée par l’inflation élevée, qui érode le pouvoir d’achat des ménages.
  • L'économie est à bout de souffle en raison de la crise énergétique européenne.

En Europe, la confiance économique continue de s'effriter. Selon les chiffres de S&P Global, en août, l'activité économique dans la zone euro est en recul pour le deuxième mois consécutif. L'indice composite, qui mesure l'activité dans les services et l'industrie, a chuté à 49,2 (voir graphique). Depuis juillet, l'indice s’établit en-deçà de la barre de 50, ce qui indique une contraction de la production.

On note une forte baisse de la production dans des secteurs industriels tels que les matériaux de base et le secteur automobile, mais aussi dans de nombreuses entreprises de services, notamment le tourisme et l'immobilier. L'inflation élevée met à mal la reprise dans le secteur des services, après la levée des restrictions liées au Covid-19. Dans la plupart des pays européens, la forte hausse du coût de la vie pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des consommateurs, et les entreprises voient leurs commandes chuter rapidement.

En août, alors que le secteur des services affichait encore de justesse une certaine croissance, l'activité industrielle était en recul pour le deuxième mois consécutif. Les prix record du gaz, de l'électricité et du charbon ainsi que la menace de pénuries en approvisionnement d’énergie exercent sur l’industrie européenne une pression qui devient progressivement insoutenable. En Allemagne, depuis avril déjà, l'industrie est aux prises avec l'incertitude qu’engendrent la guerre en Ukraine et la hausse des coûts de l'énergie. La confiance des industriels s'est quelque peu stabilisée en août mais reste à un niveau faible.

Cette semaine, les grands consommateurs de gaz naturel ont subi un nouveau coup dur. L'approvisionnement en gaz via le gazoduc Nord Stream 1 – qui achemine la majeure partie du gaz russe vers l’Europe – sera interrompu pendant quelques jours à la fin du mois, ce qui constitue déjà la deuxième interruption de ce type cet été. La nouvelle fait encore flamber davantage les prix du gaz et laisse craindre que Vladimir Poutine ne ferme complètement le robinet du gaz à l'Europe l'hiver prochain.

L'industrie française, beaucoup moins dépendante du gaz russe, souffre également de pénuries d'énergie. Des travaux de maintenance et une pénurie d’eau de refroidissement ont entraîné l'arrêt de la production dans de nombreuses centrales nucléaires françaises. Tout cela, combiné à un net recul des commandes, a fait plonger l'activité de l'industrie française à son plus bas niveau depuis plus de deux ans en août.

Même si beaucoup de dirigeants d'entreprise sont toujours confrontés à une pénurie de main-d'œuvre, on voit apparaître certains signaux montrant que les perspectives moroses commencent peu à peu à peser sur les recrutements. De plus en plus d'entreprises hésitent à embaucher du personnel supplémentaire, étant donné les commandes en net recul et les perspectives économiques incertaines. Seul point positif constaté dans les enquêtes réalisées auprès d'entreprises européennes : les problèmes d'approvisionnement mondial deviennent moins aigus. Ceci est à mettre en lien principalement avec une croissance économique décevante en Chine et plusieurs trimestres de baisse de la demande aux USA. Par conséquent, les prix internationaux de certains métaux et de cultures agricoles spécifiques ont plongé depuis le mois de juin. Néanmoins, en comparaison avec les années « pré-pandémie », de nombreux goulets d'étranglement logistiques subsistent. Avec des prix du gaz européens qui semblent battre de nouveaux records chaque jour, une forte pression sur les prix intérieurs et un euro faible, nous nous attendons à ce que l'inflation pour les entreprises et consommateurs européens reste extrêmement élevée tout le restant de l'année.

La persistance de la perte de confiance en l'économie cet été suggère que la zone euro glisse vers la récession. À court terme, nous ne voyons pas de solution à la crise énergétique en Europe et prévoyons une contraction temporaire et limitée du PIB au dernier trimestre 2022 ainsi qu’au premier trimestre 2023.


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