La relance européenne compromise

19 Août 2022

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Avec une croissance de 0,6 pour cent au T2, l'économie européenne continue à se rétablir.
  • Cependant, la croissance économique laisse à désirer en Allemagne et la crainte d'une récession s'intensifie.
  • L'inflation élevée sape la confiance des consommateurs européens et pèsera sur les dépenses après l’été.

Tout d’abord, la bonne nouvelle. Au cours du printemps, le PIB de la zone euro a grimpé de 0,6 pour cent en comparaison avec le trimestre précédent. À la mi-2022, l’économie européenne dépasse déjà de 1,4 pour cent le niveau de fin 2019, avant le début de la pandémie de Covid-19. Mais les bonnes nouvelles s'arrêtent là. Car la reprise économique en Europe reste répartie de manière inégale et ne semble pas durer.

De nombreux États membres n’ont pas retrouvé leur niveau de prospérité d'avant la crise (voir graphique). Certes, l’économie néerlandaise a pris son envol, avec une croissance de 2,6 pour cent au deuxième trimestre, et elle dépasse à présent de plus de 5 pour cent son niveau de fin 2019. Pour notre pays, il faut attendre les chiffres d'avril-mai-juin mais l'économie belge a déjà retrouvé l’an dernier son niveau d'avant la crise et a une longueur d'avance sur la plupart des pays. L’économie espagnole a enregistré une croissance solide au deuxième trimestre mais elle reste largement au-dessous du niveau de fin 2019 et se retrouve ainsi en queue de peloton. Ce qui préoccupe surtout le reste de l’Europe, c’est la reprise laborieuse en Allemagne. La principale économie de la zone euro stagne depuis plusieurs mois et le reste de l’année ne semble pas prometteur.

L'industrie allemande fléchissait déjà avant la pandémie mais elle a été confrontée à de nombreux nouveaux défis ces dernières années. Le Covid-19, la pénurie de matériaux et de puces, ainsi que la flambée des prix des matières premières. Un autre souci est venu s'ajouter récemment. En raison de la sécheresse et de la baisse des niveaux d’eau, bon nombre de fleuves allemands ne sont plus navigables. La navigation intérieure, sur le Rhin et d’autres cours d’eau, constitue un moyen important de transport de marchandises en Allemagne. Il s’agit souvent de matières premières, comme le charbon, le pétrole brut et des produits chimiques de base. Si l'approvisionnement des grands consommateurs industriels est compromis, cela va peser sur l’activité. Sur la base des études des périodes de sécheresse précédentes, les économistes s'attendent à ce que les faibles niveaux d’eau aient un impact négatif d’environ 0,2 pour cent sur la croissance du PIB allemand.

Mais l’impact économique de la baisse du niveau du Rhin est de la petite bière en comparaison avec les ondes de chocs provoquées par la crise du marché du gaz européen. Les prix de gros du gaz naturel en Europe sont plus de dix fois supérieurs à la moyenne d'avant la pandémie. En raison des prix élevés du gaz, certaines entreprises grosses consommatrices d'énergie produisent déjà à perte. La décision de la Russie de limiter l'approvisionnement en gaz par le Nord Stream 1 à seulement un cinquième de sa capacité empêche en outre l’Europe de se constituer des réserves de gaz pour l’hiver prochain. De ce fait, le risque que certains pays doivent rationner la consommation de gaz augmente. Il n’est pas étonnant que de nombreuses entreprises industrielles soient pessimistes pour l’avenir. Outre les problèmes de l’approvisionnement en énergie, les entrepreneurs sont moins disposés à investir en raison de l’incertitude et de la hausse des taux d'intérêt. L’indice IFO, un baromètre important de l’activité économique allemande et européenne, est retombé en juillet à un niveau qui correspond à un recul de l’économie.




Voilà déjà un certain temps que les ménages souffrent également des prix faramineux du gaz. Avec l’augmentation des prix de l’essence et de l’électricité, ceux-ci contribuent à une hausse des prix de l’énergie d’environ 40 pour cent en comparaison avec l'année dernière. Le rôle important que joue le gaz naturel dans de nombreux secteurs se traduit également par une hausse des prix d'autres biens. De ce fait, l’inflation générale a atteint un niveau de presque 9 pour cent cet été et entraîne une baisse du revenu réel des ménages. En raison de la demande solide sur le marché du travail, la croissance salariale nominale remonte, mais pas assez pour compenser l’énorme augmentation du coût de la vie. La confiance des consommateurs européens a touché un nouveau plancher historique en juillet et laisse présager une baisse des dépenses après l’été.

Les perspectives pour les exportations européennes se sont également détériorées. Aux USA, la croissance ralentit rapidement en raison des hausses de taux agressives de la Fed et l’économie chinoise a encore des ratés. Après un été chaud et sec, mieux vaut que l’Europe se prépare à un refroidissement économique en automne et en hiver.

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