La Chine veut se développer par ses propres moyens

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Le gouvernement chinois place modestement la barre de la croissance en 2021 à 6 pour cent.
  • Cette année, l'accent est mis sur une politique de croissance structurelle plutôt que sur la reprise.
  • La Chine veut une économie moins tributaire de l’Occident.

Une croissance économique d’au moins 6 pour cent. Telle est la norme de croissance du gouvernement chinois pour 2021. La crème de l'élite politique chinoise s'est réunie récemment pour définir l’agenda politique des cinq prochaines années. L’objectif de croissance de 6 pour cent est extrêmement modeste au vu des normes chinoises et sera aisément atteint cette année. Nous tablons sur une augmentation du PIB de l’ordre de 8,4 %, vu la reprise industrielle, la forte demande à l’exportation et le faible niveau de la base de comparaison avec 2020.

L’année dernière, la norme de croissance a été totalement rabotée, l’accent étant mis uniquement sur la gestion de la crise du Covid-19. L’objectif modeste fixé pour 2021 donne au gouvernement la marge de manœuvre requise pour passer progressivement d'une approche de crise à une normalisation de la politique économique. En termes de reprise, la Chine est en avance sur le reste du monde, mais les décideurs politiques de Pékin restent prudents. La vaccination de la population est plus lente que prévu et les dépenses des ménages chinois restent encore lacunaires. Sur le front de l'emploi, on mise cette année sur la création de 11 millions de postes de travail et sur un recul du chômage à 5,5%. Les aides fiscales sont réduites, mais avec une certaine prudence. Les fonds publics octroyés aux autorités locales pour des travaux d'infrastructure diminuent, tandis que les crédits aux petites entreprises chinoises augmentent.

Le gouvernement de Xi Jinping s'octroie également la marge de manœuvre requise pour le reste du plan quinquennal 2021-2025. Au lieu de fixer une norme de croissance moyenne pour les cinq prochaines années, le gouvernement opte dès à présent pour des objectifs annuels. En mettant l'accent sur les réformes structurelles, sur une croissance plus durable et sur l'innovation technologique. Les investissements dans la recherche et le développement doivent augmenter d'au moins 7 % l’an, avec une attention toute particulière pour les puces électroniques sophistiquées et l'intelligence artificielle. Avec cette stratégie, la Chine entend désormais réduire sa dépendance à l’égard de la technologie étrangère et accroître sa compétitivité par rapport aux États-Unis.

La discussion en cours en Europe et aux États-Unis sur la forte dépendance vis-à-vis des importations chinoises de médicaments, de masques buccaux et de biens de consommation est un débat qui fait rage en Chine également. La croissance économique table encore trop sur la demande des consommateurs occidentaux. Et pour l'approvisionnement en puces informatiques, la Chine est aussi fortement tributaire de l’étranger. Des géants technologiques chinois tels que Huawei et Tencent se sont retrouvés sur liste noire aux USA et, dès l’an dernier, ils ont adapté leurs chaînes d'approvisionnement. Sous la présidence de Joe Biden, le risque de tech war entre les USA et la Chine reste bien réel. Les tensions s’accentuent à cause de la pénurie mondiale de semi-conducteurs et de puces informatiques. La pandémie de Covid-19 et l’opposition croissante à l’utilisation de la technologie chinoise dans les réseaux 5G européens viennent encore refroidir les relations de la Chine avec l’Europe.

Bref, la Chine mise sur une forte croissance économique pour les années à venir, mais elle se développera davantage par ses propres moyens.

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