Les taux à long terme vont remonter

12 janvier 2024

Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

Partagez cet article:  
  • Nouvelle hausse de l’inflation en vue?
  • Les taux du marché vont remonter.
  • L’économie dans la zone euro se portera mieux cette année qu’en 2023.
  • L'économie américaine est quand même en train de ralentir.


Nouvelle flambée du prix du transport maritime de marchandises

Cela nous rappelle les années de la pandémie. En quelques semaines, le prix du transport maritime des containers en provenance et à destination de la Chine a quasi triplé. Cette fois, les causes sont différentes. En mer Rouge, les rebelles Houthis perturbent le transit par le canal de Suez, de telle sorte que de nombreux navires doivent faire un long détour par le Cap de Bonne Espérance. À cela s'ajoute que le canal de Panama est confronté à de faibles niveaux d’eau, ce qui a un impact sur les prix du transport maritime vers les USA. Cependant, nous sommes encore loin des prix vertigineux atteints pendant la pandémie, quand le transport international était complètement perturbé (graphique coûts du transport maritime). Pour le moment, nous ne nous attendons pas à ce que les prix remontent à de tels niveaux. Cela se limitera peut-être à un phénomène temporaire car il est possible que les USA décident de lancer une intervention militaire pour préserver le canal de Suez. Mais cela nous rappelle que les risques d’une résurgence de l'inflation n'ont pas encore disparu.

Shipping costs


À notre avis, les marchés financiers n'ont pas raison

Dans les économies occidentales, l'inflation évolue depuis longtemps dans la bonne direction. L'inflation générale et l'inflation structurelle diminuent au fil des mois. Toutefois, la vigilance reste de mise pour les banquiers centraux, car les hausses de prix sont encore trop fortes pour baisser la garde. Dans la zone euro, l’inflation générale a fléchi principalement grâce à la baisse des prix de l’énergie et de l'alimentation. Mais la pression sous-jacente sur les prix – qui permet de voir dans quelle mesure les entreprises augmentent leurs prix - reste tenace, soit 3,4 pour cent en décembre. Selon nos estimations, la Banque centrale européenne va maintenir son taux directeur à un niveau élevé sans précédent jusqu’en été, pour l'abaisser ensuite lentement. Les marchés financiers voient les choses différemment. Pour le moment, ils tablent sur 6 baisses de taux à partir du mois d'avril, de telle sorte que le taux directeur baissera de 1,5 pour cent pour s'établir à 2,5 pour cent cette année. Cela nous paraît trop optimiste. Les marchés ont également poussé les taux à long terme à la baisse, quoique ces derniers se redressent ces derniers jours. Nous prévoyons que cette tendance va se poursuivre et que, d’ici la fin de l’année, le taux aura grimpé d’environ un demi-point de pourcentage. Une obligation d’État belge à dix ans rapportera à nouveau 3,45 pour cent d’ici fin 2024 et, les années suivantes, le taux aura plutôt tendance à encore grimper quelque peu plutôt qu’à descendre.


Le monstre de l’inflation n’est pas encore dompté

Le marché du travail reste très tendu, d'autant plus que le chômage dans la zone euro a enregistré une nouvelle baisse à 6,4 pour cent en novembre. La BCE estime que les coûts salariaux vont grimper de 4,6 pour cent en moyenne cette année, ce qui est trop pour permettre un recul durable de l’inflation structurelle.

En effet, les entreprises répercutent généralement ces coûts plus élevés. Le côté positif de cette évolution salariale est que les Européens voient enfin leur revenu réel remonter. Cela signifie que les travailleurs non seulement constatent que l'inflation est compensée mais en outre, qu'ils peuvent acheter davantage avec leur salaire. C’est la raison pour laquelle, après quelques années de recul, la confiance des consommateurs s'améliore et les ménages vont dépenser davantage cette année. Nous constatons également que les entreprises sont un peu moins déprimées, quoiqu’elles s’attendent encore à une contraction de leur activité.

Chez Belfius Strategic Research, nous pensons qu'aux USA également, les marchés financiers sont trop expéditifs avec leurs attentes en matière de taux. Selon eux, la première baisse de taux pourrait déjà avoir lieu en mars et ce mouvement se poursuivrait progressivement ensuite. Quant à nous, nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale – la Banque centrale américaine – abaisse son taux directeur à partir du mois de juin.


L'économie américaine s'affaiblit en raison des taux plus élevés

La production industrielle américaine ralentit depuis 15 mois et, en dépit d'une légère amélioration de leur sentiment, les entreprises industrielles continuent à penser que leur activité va continuer à se contracter.

Dans les secteurs tertiaires américains – du secteur du cinéma aux consultants d’entreprises –, les indicateurs de confiance se sont effondrés au mois de décembre. Les chefs d’entreprises sont surtout pessimistes à propos de l’engagement de nouveau personnel.

La politique monétaire avec les taux plus élevés commence maintenant à vraiment peser sur les entreprises. Si elles veulent renouveler leurs dettes, elles devront le faire à des taux beaucoup plus élevés. Cela comprime les marges de ces entreprises et, pour certaines, cela représente un tel fardeau qu’elles tombent en faillite. Dès lors, il est manifeste que le nombre de faillites est en train d'augmenter et nous nous attendons à ce que cette tendance haussière se poursuive un certain temps. Les faillites d’entreprises très endettées suivent en effet le resserrement de la politique monétaire avec un certain décalage.

Dans l’intervalle, les ménages américains continuent à relativement bien consommer. Contrairement à la zone euro, les ventes au détail poursuivent leur progression. Mais, en raison des taux plus élevés, nous pensons quand même que les achats importants, comme les voitures ou les nouveaux électroménagers achetés à crédit, vont ralentir cette année. Les Américains voient également leurs réserves d'épargne fondre comme neige au soleil. Pendant les confinements liés au Covid, ils ont pu bien thésauriser mais, entre-temps, ils ont dépensé cette épargne supplémentaire. À présent, ils mettent en moyenne même moins de côté que pendant les dix années précédant la pandémie. Cependant, nous constatons ces derniers mois que les Américains recommencent à épargner davantage. L’épargne rapporte plus, ce qui constitue déjà une explication. Une autre explication pourrait être que les ménages américains resserrent les cordons de la bourse parce qu’ils s’attendent à une catastrophe économique qui pourrait leur coûter leur emploi. En tout cas, la confiance des consommateurs est encore plus faible que pendant les années précédant le Covid.

Les rapports mensuels sur l’emploi aux USA continuent néanmoins de surprendre. Le mois de décembre a encore été marqué par la création de 219.000 nouveaux emplois, ce qui est plus que prévu. Le chômage est très bas, à 3,7 pour cent. Mais les exigences salariales restent solides. Sur une base annuelle, les salaires des Américains ont augmenté de 4,1 pour cent.


Amélioration à partir de l’été, si les banquiers centraux lâchent du lest

Globalement, nous nous attendons à un premier semestre faible vu que la politique monétaire commence actuellement à peser. Si les banquiers centraux lâchent du lest, cela stimulera la croissance économique, tant aux USA que dans la zone euro. Selon Strategic Research, la croissance dans la zone euro s’établira à 0,9 pour cent, ce qui est mieux que l’an dernier. Aux USA, il a fallu un certain temps avant que la croissance économique commence à ralentir après une année 2023 étonnamment forte. Nous prévoyons une croissance faible de 1,4 pour cent en 2024.

Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.

Partagez cet article: