Une économie belge solide malgré le ralentissement économique mondial

10 novembre 2023

Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • La croissance de l'économie belge est principalement due au consommateur
  • 2024 sera une année de reprise faible et d'inflation encore relativement élevée
  • Les banques centrales européenne et américaine actionneront encore le frein jusqu'à l'été prochain
  • La Chine empêtrée dans une crise immobilière

La Belgique à contre-courant

Le taux de croissance de la Belgique pour les mois d'été a été étonnamment élevé. Selon les premières estimations de la Banque nationale, en juillet, août et septembre, l'économie a progressé de 0,5% par rapport au trimestre précédent. Et c’est principalement le consommateur qui donne le ton. Son pouvoir d'achat a augmenté grâce à un système de sécurité sociale bien développé, avec un chômage temporaire, un ajustement rapide des revenus de remplacement au coût de la vie, ainsi qu’une indexation automatique des salaires et un taux de chômage peu élevé. Les consommateurs sont aussi relativement optimistes quant à leur avenir. Mais ils envisagent d'épargner davantage, ce qui pourrait engendrer une certaine pression sur la consommation.

On constate en outre que les entreprises consentent de solides investissements. Fait singulier, car dans la zone euro, on observe carrément une tendance négative en termes d’investissements par les entreprises. En effet, la Banque centrale européenne mène une politique de taux sévère, relevant son taux directeur afin de réduire l'inflation. Moins d'investissements, cela signifie aussi moins de demande, ce qui devrait freiner la hausse des prix. Mais en Belgique, on observe une tendance inverse. Les investissements des entreprises se maintiennent bien. Les entreprises investissent principalement dans l'automatisation et l'écologisation. Or, la confiance des entrepreneurs va dans le sens inverse. L'économie belge réagira donc avec un certain retard à la politique monétaire de relèvement des taux.


L’économie dans la zone euro s’enfonce de plus en plus, mais ça ira peut-être mieux en 2024

Dans l’intervalle, la zone euro est dans la tourmente. En octobre, on note à nouveau un recul des indicateurs de confiance. Dans les quatre grands pays de l'UE, l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne, les usines s'attendent à une nouvelle contraction de leur activité. Il faut remonter au début du Covid pour voir se tasser ainsi le nombre de nouvelles commandes, et des commandes à l’exportation tout aussi décevantes. Dans les secteurs des services, le sentiment est certes un peu moins à la déprime, mais là aussi, une détérioration est en vue. Ces derniers mois, en outre, la confiance du consommateur européen n'a cessé de baisser.

Alors que, durant l’année écoulée, le resserrement du marché de l'emploi était encore un signe de vigueur, aujourd’hui, on observe clairement un ralentissement. Les entreprises prévoient d'embaucher moins de travailleurs. Le nombre de postes vacants revient à la tendance à long terme. Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas que le chômage augmentera sérieusement durant l’année à venir.

Pour 2024, nous nous attendons en effet à une reprise cyclique dans la zone euro, car ça fait un certain temps déjà que l'économie évolue en-deçà de la tendance. Pour une véritable reprise, il faudra encore attendre l'été. Ainsi, les investissements des entreprises devraient reprendre progressivement. Au cours des trois premiers trimestres de 2023, la demande de crédit a affiché un recul plus marqué que ce que les banques avaient estimé. Pour le mois de septembre, le nombre de crédits a même baissé. Il faut remonter à 2015 pour retrouver une tendance aussi négative. La demande de crédits hypothécaires a aussi été impactée. Le recul en termes de demande de crédit est évidemment en lien avec la politique de taux élevés de la BCE, qui récolte aujourd'hui ce qu'elle a semé.


La baisse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires tempère l'inflation globale

L'objectif de la BCE est de maintenir l'inflation aux alentours de 2%. En août, celle-ci était encore de 5,2%. En octobre, elle n'atteignait plus «que» 2,9%. Une évolution due principalement à des prix de l'énergie en forte baisse. Comme nous comparons toujours l'inflation avec le même mois de l'année précédente, nous constatons qu’en octobre, l'inflation énergétique a perdu plus de 11%. Ce qui, mathématiquement, pousse l’inflation globale à la baisse. Cet effet arithmétique va progressivement s’estomper, entraînant une légère remontée de la pression globale sur les prix. Pour 2024, Strategic Research table sur une inflation de 3,1% dans la zone euro. En outre, nous devons tenir compte d'une escalade du conflit au Moyen-Orient, avec potentiellement à la clé une augmentation significative des prix pétroliers. Pour l'instant, notre scénario de base n’intègre pas encore une telle évolution. En revanche, c’est une composante que nous prenons en compte dans notre stress-scenario. La hausse des prix de l'énergie pourrait raviver le spectre de l'inflation, avec pour conséquence une spirale salaires-prix. La BCE devrait alors relever davantage son taux directeur. Ce qui entraînerait la zone euro dans une récession, avec une hausse du chômage et un dérapage des finances publiques.

Les marchés restent toutefois convaincus que les prix de l'énergie resteront sous contrôle. L'énergie est restée plus chère qu'avant le Covid. Pour toute une série d'entreprises internationales européennes, c'est un casse-tête, car elles paient l'énergie environ cinq fois plus cher que leurs concurrents américains. Cela reste quelque peu sous les radars, mais il y a des usines européennes qui sont à l'arrêt. Elles ne sont pas compétitives en termes de coûts et sont aussi confrontées à un net recul de la demande.

S’agissant de l’inflation, aujourd’hui, nous envisageons surtout l’inflation sous-jacente, qui ne tient pas compte des éléments instables que sont l’énergie et les denrées alimentaires. L’inflation sous-jacente reflète la façon dont les entreprises augmentent ou diminuent les prix de leurs produits industriels – comme le café – et de leurs services – comme les assurances. En octobre 2023, l'inflation sous-jacente s'établit à 4,2% par rapport à octobre de l'année précédente. Il convient de noter ici à quel point les entreprises de services continuent d'augmenter leurs prix.

Dès lors, les entreprises européennes sont confrontées à de fortes revendications salariales. Nous nous attendons à ce qu'elles restent élevées, aux alentours de 4% en 2024. Malgré une légère détente sur le marché de l’emploi, avec moins de postes vacants, de nombreuses entreprises éprouvent plus de difficultés à trouver de la main-d’œuvre qu’avant la pandémie. Ce qui place les travailleurs dans une position de négociation plus favorable. De plus, ces derniers ont vu diminuer leur revenu réel. Malgré les augmentations salariales, la hausse de l’inflation est telle qu’ils ne peuvent plus acheter autant. La combinaison d'une inflation en baisse et de revendications salariales robustes leur permettra de retrouver un revenu réel positif. Ce qui boostera la confiance des consommateurs et soutiendra à nouveau les ventes au détail, par exemple. Durant l’année écoulée, ces ventes ont évolué largement en-deçà de la tendance.


Les banques centrales n'ont pas encore fini de livrer bataille

La Banque centrale européenne n'a pas relevé son taux lors de sa dernière réunion de politique monétaire, comme prévu. Elle constate une baisse de l'inflation (sous-jacente) et aussi un ralentissement de l'activité économique. Dans le même temps, elle indique qu’elle n’est pas encore au bout de sa politique de rigueur. Son nouveau mantra: «Higher for longer». Chez Strategic Research, nous estimons que la BCE ne renouera avec un lent assouplissement de sa politique que tard durant l’été 2024. Et la BCE s’attend même à maîtriser l'inflation d'ici fin 2025. Les marchés sont aussi de cet avis, mais en même temps, ils estiment que l'inflation restera structurellement un peu plus élevée. Le vieillissement de la population aura un effet inflationniste dans les prochaines décennies, tout comme les défis climatiques.

Aux USA aussi, la banque centrale américaine a fait une pause. Avec un message: l'inflation n'a pas encore été jugulée et de nouveaux resserrements pourraient s'avérer nécessaires.

Dans notre analyse du mois dernier, nous soulignions que l'économie américaine semblait un peu plus résiliente que les autres grands blocs commerciaux. Cette tendance est en train de s'inverser. La hausse des taux US pèse sur les dépenses et sur la confiance des entrepreneurs. L'économie américaine devrait ralentir au cours des prochains trimestres.


Chine: crise immobilière en slow-motion

Depuis plus de deux ans, la Chine est confrontée à une crise immobilière en slow-motion. Et ça pourrait encore durer des années avant que cette crise se résorbe.

Les ventes de logements en Chine se sont considérablement contractées depuis juillet 2021, sans aucun signe de reprise actuellement. À la base de cette situation, il y a les mesures prises par le gouvernement chinois pour freiner le secteur immobilier fortement endetté. Des promoteurs immobiliers se sont trouvés en difficulté et n'ont pas pu achever des logements qui avaient été payés à l'avance. Les ménages chinois s’attendent à une diminution des prix des logements et restent sur la touche, malgré la baisse des taux des crédits immobiliers. Mais le gouvernement maintient les prix des logements à un niveau artificiellement élevé, ce qui semble empêcher une normalisation du marché des logements. Résultat: les promoteurs immobiliers ont de plus en plus de difficultés financières. Le gouvernement chinois tente d'atténuer la crise via des mesures ciblées dans le secteur immobilier et des mesures de relance monétaire, mais il s’agit plutôt de doses homéopathiques. En effet, la confiance des consommateurs est à la déprime.

Dans le même temps, la Chine est confrontée à des tendances profondément structurelles, telles que le vieillissement de la population, qui entraîne un rétrécissement de la population active. Ce phénomène freine aussi les possibilités de croissance économique, comme déjà rencontré par le passé.

Les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis se détériorent de plus en plus. Sous Joe Biden, on a assisté à une limitation des investissements américains en Chine ainsi que des exportations de semi-conducteurs et de machines. La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis risque d'envenimer encore davantage ce conflit commercial.

Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.

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