Cette année, les pays émergents affichent des performances décevantes. Dès lors, offrent-ils encore des opportunités d’investissement? Maud Reinalter (Chief Investment Officer, Belfius Investment Partners) et Stefan Keller (Asset Allocation Strategist, Candriam) analysent l’évolution des investissements en actions et obligations sur les marchés émergents, avec un focus sur la Chine.
Comment expliquez-vous les mauvaises performances des pays émergents et de la Chine en particulier?
Stefan: Les marchés actions émergents ont offert des performances disparates. En 2022, les performances de l’Amérique latine et notamment du Brésil ont été positives et bien supérieures aux indices mondiaux. En revanche, l’Asie et la Chine ont été en retrait.
En Chine plus spécifiquement, la politique zéro Covid et la crise du marché immobilier ont pesé sur le marché domestique. Les indices offshore chinois ont été impactés par le renforcement de la règlementation sur les très grosses capitalisations. Le durcissement de la règlementation américaine sur la cotation des ADR (actions d’une entreprise étrangère sur le marché US) a également participé à leur sous-performance.
Maud: Et il n’est pas rare de voir les indices les plus volatils souffrir en période de baisse des marchés, les investisseurs privilégiant les zones plus défensives.
En outre, en termes relatifs, le marché américain (et donc le dollar), fortement représenté dans les indices globaux, a engendré la surperformance de ces derniers vis-à-vis des marché émergents. Observons que les investissements en Amérique latine se sont bien comportés.
L’environnement réglementaire a pesé sur l’indice du marché chinois élargi. Derrière l’acronyme «prospérité commune», qui met en avant une croissance économique et une distribution de richesses plus égalitaire, on trouve une pression accrue sur certains secteurs des géants de la technologie ou de la consommation cyclique. Le parti communiste chinois devrait continuer à privilégier davantage les secteurs d’activités mieux représentés par l’indice des actions A (domestique) tels que les nouvelles énergies, les véhicules électriques, les semi-conducteurs, la consommation et la biotechnologie.
Cette zone fait-elle encore partie des Belfius Convictions?
Maud: Nous restons positionnés sur les marchés émergents et à travers la Chine via le marché domestique.
Nous sommes persuadés qu’une nouvelle classe moyenne devrait émerger en Chine dans les prochaines années. Cette position est en ligne avec les politiques de «prospérité commune» mises en place par le gouvernement en vue d’améliorer le système de répartition des richesses et de réduire l’écart de revenus. Le but ultime du parti communiste? Transformer son économie industrielle et exportatrice en une économie de consommation de biens et de services plus domestique!
Pour contrecarrer les effets négatifs engendrés par le Covid et la crise immobilière, le gouvernement chinois a mis en place de nouvelles politiques de support fiscal. Une grande partie de cette relance a été axée sur la stimulation des investissements dans les infrastructures (1.000 milliards de yuans annoncés en août).
Stefan: À ce stade, nous restons positifs sur les marchés émergents incluant les actions chinoises.
En Chine, la politique monétaire accommodante offre en effet un soutien à l’économie, à l’inverse de ce qui est pratiqué par les autres grandes banques centrales qui sont en train de resserrer leurs conditions financières. Cette dichotomie offre une décorrélation par rapport aux autres zones géographiques.
L’Empire du Milieu conserve des perspectives de croissance (4,6% en 2023) supérieures à celles des marchés développés et la valorisation du marché chinois est attractive avec un rapport cours/bénéfice aux alentours de 10X. Enfin, le positionnement des investisseurs internationaux sur les actions chinoises reste faible, limitant selon nous, de futures flux négatifs sur ce marché.
Au niveau politique, le 20e congrès national du Parti communiste a permis à Xi-Jinping de renforcer son pouvoir en s’entourant de ses plus proches fidèles, ce qui lui donnera des coudées plus franches pour réaliser sa politique.
Toutefois, certains points d’attention semblent émerger. Si, lors du dernier congrès, l’économie était une priorité, cet axe a été aujourd’hui remplacé par celui la sécurité.
Qu’en est-il de la dette émergente?
Stefan: Nous gardons une position structurelle sur la dette émergente compte tenu de la diversification qu’elle apporte dans un portefeuille obligataire. En mars 2021, nous avons ajouté des obligations de dette chinoises anticipant la reprise économique. Ensuite, de nouveau, en décembre 2021 afin d’offrir une décorrélation face à l’agressivité de la Banque centrale américaine. Enfin, en mars 2022, nous avons diminué de moitié cette exposition à la suite de l’environnement moins porteur notamment dans la gestion du Covid.
Maud: Nous avons en effet une vue positive sur la dette émergente en dollar. Nous y sommes surpondérés depuis de nombreux mois maintenant, de par le rendement potentiel supplémentaire qu’offre cette classe d’actifs vis-à-vis des autres types de crédit. Aujourd’hui, même si les rendements du crédit américain et européen ont augmenté et deviennent plus intéressants, nous gardons une préférence pour la dette émergente au sein de la poche obligataire des portefeuilles. Celle-ci constitue, en outre, selon nous, une poche de diversification très importante dans les portefeuilles. C’est d’autant plus vrai au vu des incertitudes qui planent toujours autant sur les pays développés, l’Europe en particulier.
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