18 octobre 2022

Philippe Evrard

Philippe Evrard
Investment Strategy @Belfius


Le 5 octobre dernier, les pays membres et partenaires de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (Opep+) ont convenu d’une baisse des quotas de production de deux millions de barils par jour dès novembre. De quels pays parle-t-on ? De l’Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Iran, Irak… mais également de la Russie.


Cette baisse représente 2% de la demande mondiale. Les nouveaux quotas atteindront donc un peu moins de 42 millions de barils produits chaque jour.


Pourquoi cette annonce ?


Plusieurs grilles d’analyse peuvent venir interpréter cette décision importante.

Soutien aux prix: le prix du baril (Brent) n’a pas connu la même volatilité que le prix du gaz et, par ricochet, le prix de l’électricité. L’Opep+ estime que la demande mondiale de pétrole va diminuer suite au ralentissement économique mondial. Diminuer la production stabiliserait de facto les prix aux alentours de 90 $ le baril, objectif budgété par le cartel.

Grafiek ICE-Brent


Les quotas dans les discours… et dans la réalité


Dans les faits, seuls 8 pays membres seront impactés par cette décision. Les autres pays membres ont d’ores et déjà des difficultés à atteindre les quotas. Cette annonce pourrait donc s’interpréter comme une régularisation d’une situation de fait.


Pourquoi ce besoin de maintenir les prix


Les projets « d’envergure » en Arabie Saoudite doivent se financer : Le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) a quelques ambitions « fortes » pour son pays comme la construction d’une nouvelle mégalopole futuriste baptisée Neom, ville de la taille de la Belgique construite sur 170 km de longueur, 500 mètres de hauteur et 200 mètres de large. L’ensemble est entouré de deux parois qui ressemblent à des miroirs. Neom abritera en son sein le futur site Trojena où seront organisés les Jeux asiatiques d'hiver de 2029.

Faire le jeu d’alliés officieux, et envoyer un signal fort à la Maison Blanche


Une convergence économique avec la Russie : Maintenir un prix élevé fait également le jeu de la Russie qui a un besoin de financement pour sa guerre contre l’Ukraine. Rappelons que la Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole, derrière les États-Unis. Ses principaux clients ? L’Europe principalement, mais plus pour longtemps. Même si un embargo européen n'entrera en vigueur qu’en décembre, cela n'a pas empêché les exportations vers l'Europe de reculer fortement, de nombreux intervenants de marché ayant déjà cessé d'acheter l'or noir et les produits pétroliers de Russie. Mais ce recul a été compensé : L'Inde et la Chine ont sensiblement augmenté leurs achats sur la période, de même que l'Egypte ou encore la Turquie. Ces pays, qui n'ont pas sanctionné Moscou, profitent du rabais que la Russie est contrainte de pratiquer pour écouler sa production.1


Un camouflet pour les États-Unis : Alors que Joe Biden a rencontré dernièrement MBS dans l’espoir d’éviter cette diminution des quotas de production, ce premier n’a pas été entendu. Cette hausse des cours du baril pèsera sur le pouvoir d’achat des américains qui risquent de s’en souvenir lors de la toute prochaine élection des Midterms. Biden y joue en effet sa majorité au Congrès. Il faut dire que Biden avait considéré MBS comme un paria suite à l’assassinat d’un journaliste saoudien en 2018.


Un pas vers davantage de considération climatique ? Moins de pétrole, c’est moins de CO2 dans l’atmosphère. Rêvons un peu : nous sommes intimement persuadés que c’est cette motivation qui a précipité cette annonce…


Pour votre portefeuille ?


Cette annonce n’est pas une bonne nouvelle pour le portefeuille de tout un chacun, ni sur le front de l’inflation. Les prix maintenus à un niveau élevé font que le pétrole ne sera pas un substitut crédible au gaz (ou à l’électricité).


Mais cela nous renforce dans notre stratégie décarbonée. Depuis de nombreuses années, nous maintenons nos convictions tournées vers les investissements liés au climat, à la circularité limitant la pétrochimie, à la mobilité propre et aux énergies renouvelables.



Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.


1 Source : Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea)