06 septembre 2022

Nicolas Deltour

Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy

Entre Jackson Hole et Francfort, les banquiers centraux courent après l’inflation, sans la rattraper...

Depuis plusieurs mois, les banques centrales font de la musculation dans leurs discours, mais aussi dans leurs décisions. Si l’objectif est de freiner l’inflation, force est de constater que le frein porte surtout sur la croissance et la confiance des marchés.


9.1%


9.1%. C’est le niveau d’inflation atteint en zone euro, en août 2022. Le terme « record » n’a jamais autant été utilisé que cette année pour qualifier l’inflation sur notre continent.

Bien entendu, l’énergie est le principal facteur d’augmentation du coût de la vie, mais cette inflation concerne désormais tous les pans de notre économie. Même en excluant les prix de l'énergie, de l'alimentation, de l'alcool et du tabac, pour ne retenir que ce que les économistes qualifient « d’inflation sous-jacente », on atteint tout de même les à 4,3%, soit plus du double que les fameux 2% d’inflation que la Banque Centrale Européenne s’était fixée comme objectif.

Cela montre bien, qu’en Europe du moins, la politique monétaire à elle seule pourrait ne pas suffire à stabiliser l’économie.


Cependant pas le choix


Qu’elles soient ou non suffisantes à elles seules, les hausses de taux n’en sont pas moins nécessaires. De façon plus imagée, même quand la voiture est déjà trop près du mur, la collision est devenue inévitable, il reste utile de freiner.

Si le facteur « énergie » est hors de contrôle des banques centrales, celles-ci vont continuer à tout faire pour lutter contre l’inflation qui en découle. A travers des hausses de taux, vigoureuses et répétées.

Les paysages grandioses et paisibles des vallées de Jackson Hole contrastent d’ailleurs avec la vigueur affichée dans les discours qui s’y sont tenus fin août, à l’occasion de la réunion des grands banquiers centraux du monde. S’il fallait se convaincre de la douche froide que ces postures ont provoqué, il suffit de regarder l’évolution des marchés lors du discours de Jerome Powell (Président de la Federal Reserve américaine). Une baisse de près de 4%, pour dix minutes de discours, soit -0.4% à la minute de parole.


Les impacts en portefeuille


Les impacts sont nombreux sur les contraintes et opportunités en portefeuille.

Les actions dont la valorisation dépend plus des taux d’intérêt continueront à fluctuer. Ce sera le cas en particulier des actions dites de « croissance ». Ceci n’est pas forcément négatif pour l’investisseur ; un taux d’intérêt plus élevé implique de payer moins cher aujourd’hui les mêmes flux futurs. Autrement dit, les sociétés les plus prometteuses à long terme semblent le rester, tout en étant moins chères actuellement.


Les taux (durablement) plus élevés continuent à profiter aux investisseurs les moins attirés par une exposition directe aux risques boursiers ; les instruments structurés, présentant une protection partielle du capital, payent toujours moins cher cette protection.

Les solutions à revenus fixes deviennent plus attractives, qu’il s’agisse de fonds d’obligations d’entreprises de qualité, ou même d’autre types de supports, comme l’assurance branche 21.

Certains secteurs suivent leur propre chemin, et participent ainsi à la fameuse « décorrélation » du portefeuille aux cycles économiques ou énergétiques ; citons la santé, la consommation courante de base, ou même le secteur technologique.

Enfin et surtout, et c’en devient presque un lieu commun, les entreprises offrant des solutions d’économies d’énergie ou d’énergies alternatives, bref l’économie verte ont désormais un boulevard devant elles.

Côté contraintes, il est évident que les secteurs les plus énergivores -en particulier l’industrie lourde- vont payer le prix fort, et certaines structures s’apprêtent d’ailleurs à vivre ce qu’on qualifiera peut-être un jour de « lock down énergétique ». Les conséquences sont encore difficile à chiffrer, mais seront sans aucun doute matérielles.

Le même raisonnement vaut pour l’allocation géographique : l’Europe est de loin le continent le plus exposé aux chocs énergétiques actuels, et reste sous-pondérée dans nos portefeuilles.


De nouveaux tours de vis prochainement?


La situation est-elle appelée à se tendre davantage dans les jours qui viennent ? Ce n’est pas exclu, et c’est même très probable, malgré les supplications des marchés financiers.

Si les bourses sont si nerveuses, c’est que nous nous situons entre le très commenté symposium des banquiers centraux à Jackson Hole, et la réunion de la Banque Centrale Européenne, prévue dans quelques jours.

Le Conseil des gouverneurs doit en effet se réunir le jeudi 8 septembre pour décider d’une éventuelle nouvelle hausse de taux. Or, à ce stade, rien ne laisse présager un discours plus accommodant. Le consensus table sur une hausse de 0,75%. Du jamais vu depuis l’introduction de l’euro.

Ne manquez pas le commentaire de nos collègues de Belfius Strategic Research, qui sera rédigé et publié dans les heures qui suivront cette décision.



Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.