29 août 2022

Nicolas Deltour

Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy

Nous voilà presque tous rentrés de vacances. Et la traditionnelle conversation du retour de vacances n’a jamais été aussi standardisée :

« - Comment cela s’est-il passé ? - Très bien, mais qu’est-ce qu’on a eu chaud !».

La prise conscience du réchauffement climatique s’accélérait ces dernières années; depuis cet été, elle fait consensus, dans toutes les strates des opinions publiques, et des acteurs économiques.


Même les Vosges et la Belgique


La vague de chaleur est telle que même les Vosges, une des régions les plus pluvieuses et fraîches du continent, ont brûlé. Autour du petit village du Ménil, 79 hectares sont partis en fumée et 165 personnes ont été évacuées. Rien que sur la semaine du 15 août, les pompiers ont dû traiter près de 80 départs d’incendie dans la région.

L’Europe entière a brûlé. En 2022, l'Union européenne a perdu plus de 660 000 hectares dans les flammes. Soit l’équivalent de toute la surface forestière belge.

Les pays du Sud payent bien entendu le plus lourd tribut, comme l’Espagne (246 000 hectares) la Roumanie (150 000 hectares), le Portugal (75 000 hectares), ou encore la France (61 000 hectares), mais des incendies ont également été signalés en Allemagne, et, plus récemment, en Belgique, où des feux de forêt ont fait des ravages – heureusement limités – à Libramont, à Tellin, au barrage de la Gileppe pour ne citer qu’eux.


Un coût exorbitant


Selon les sources et les périmètres de calculs, le coût d’un canadair oscille entre 6800 euros et 15000 euros l'heure de vol. Autant dire que chaque grand incendie a coûté des millions, voire dizaines de millions d’euros, rien que pour la phase d’extinction.

S’ajoutent ensuite les coûts d’indemnisation, de relogement, de reconstruction, et d’infrastructures, toujours plus sophistiquées, et donc plus chères (antennes 4 ou 5G, fibre optique, etc).

Les incendies de l’été nous feraient presque oublier qu’avant la sécheresse, le dérèglement climatique avait aussi provoqué des inondations historiques ces derniers mois.

Au premier semestre de cette année, les catastrophes naturelles ont causé 72 milliards de dollars de pertes économiques, selon Swiss Re, l’un des deux plus gros réassureurs au monde (qui sont les assureurs des assureurs). Le groupe alerte également sur la fréquence croissante de ces catastrophes, avec explosion de leur coût et, bien entendu, des primes demandées pour en couvrir le risque.

Ces phénomènes sont désormais repris dans tout planning financier sérieux, pour la plupart des grands groupes financiers de la planète.


Un double, voire triple impact


On nous le rappelle régulièrement. Il existe déjà une technologie qui permet de transformer le CO2 en oxygène. Elle est gratuite. Cela s’appelle un arbre.

Le double voire triple problème posé par les incendies en cours est que non seulement la chaleur dégagée amplifie localement les effets de la canicule, mais la disparition des arbres concernés -gigantesques puits de carbone- provoque aussi la libération instantanée de plusieurs millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Enfin, pour la suite, les territoires incendiés se voient privés de centaines d’hectares de surface de captation du carbone, ce qui, à l’échelle de la planète, amplifie les problèmes d’effets de serre. Autrement dit, c’est un cercle vicieux.


Les conséquences économiques du manque d’eau


Les perturbations du cycle hydrologique ont des effets encore plus insidieux, sur les ressources alimentaires, le transport, et même l’énergie. Ces effets sont déjà concrets, y compris dans nos économies développées.


Chute de productivité agricole et impact sur les ressources alimentaires


Les parcelles qui ne disposent pas de systèmes d’irrigation sont deux fois moins productives depuis les épisodes de sécheresse. Ce phénomène ajoute une pression supplémentaire sur un marché agroalimentaire déjà très tendu dans un contexte de conflit en Ukraine (Grenier à blé d’Asie Mineure et du pourtour méditerranéen).


Chaînes logistiques perturbées


Le point de mesure de Kaub en Allemagne est en général considéré comme la référence pour juger de la navigabilité du Rhin. A plusieurs reprises, ce niveau est tombé sous les 40 centimètres, seuil nécessaire pour permettre une grande partie du transport sur le fleuve.

Les perturbations du trafic sur ce fleuve clef pour l'industrie allemande et même européenne constituent une épée de Damoclès de plus sur la chaîne logistique européenne. Le diesel, le charbon, mais aussi le sable, le béton y sont particulièrement exposés.

Le même type de problème s’est posé sur le Danube, deuxième bassin de transport fluvial européen après le Rhin, en particulier sur ses sections bulgares et roumaines, où les bateaux de transport ont parfois dû jeter l’ancre.


Energie nucléaire en sursis


L’eau du Danube sert également à refroidir l’eau des centrales nucléaires de Cernavoda, en Roumanie, et de Kozloduy, en Bulgarie. Si la sécheresse continue, cela pourrait obliger ces centrales à stopper ou ralentir leurs activités.

C’est déjà le cas de centrales riveraines du Rhône et de la Garonne, côté français, où EDF a dû ralentir certains réacteurs, pour cause de température trop élevée de l’eau en aval des rejets desdites centrales.

Le secteur européen de l’énergie, en proie à une crise sans précédent du côté du gaz russe, n’avait évidemment pas besoin de cela. Là encore, le phénomène exerce une pression supplémentaire sur des prix déjà très élevés.


Conclusion


L’urgence climatique n’est pas que sociétale. Elle est aussi économique. Et géopolitique. Cette urgence est devenue encore plus palpable durant l’été 2022.

Les facteurs, de plus en plus, convergent. Le besoin de mesures contre le réchauffement climatique se fait de plus en plus criant.

Les entreprises présentant de réelles solutions innovantes en la matière figurent plus que jamais au cœur de nos convictions et stratégies d’investissement, ainsi que, au sens plus large, les acteurs de l’économie circulaire, des énergies vertes, et de la mobilité propre. Leurs clients, qu’ils soient publics, industriels, particuliers, ont de plus en plus intérêt à faire appel à leurs services. De bon augure pour leur carnet de commande, et leur avenir.

Ces solutions ne suffiront évidemment pas sans changement profond dans nos comportements.

Mais ne dit-on pas que la rentrée constitue une belle opportunité pour prendre de bonnes résolutions ?

Bonne rentrée, à toutes et tous.



Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.