La lutte contre l'inflation n'est pas encore gagnée

5 mai 2023

Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • La banque centrale américaine augmente son taux directeur de 0,25 point de pourcentage à 5 - 5,25%.
  • De même, la BCE augmente encore son taux de dépôt de 0,25 point de pourcentage pour l’établir à 3,25%.
  • Belfius Research s'attend à ce que le taux ait atteint le sommet aux USA. Dans la zone euro, nous tablons sur une poursuite de la hausse du taux directeur jusqu’à 3,75%.

Bien qu’elles aient déjà fortement augmenté le taux directeur ces derniers mois, les banques centrales en remettent une couche cette semaine. La banque centrale américaine augmente son taux directeur de 25 points de base à plus de 5%. De même, la banque centrale européenne augmente encore son taux de dépôt de 25 points de base pour l’établir à 3,25%. Le taux va-t-il encore grimper ou bien avons-nous atteint le sommet dans le cycle des taux?


Pour les USA, nous pensons que le taux directeur a maintenant atteint un pic. Le président Powell a déjà annoncé une pause. La banque centrale américaine veut d'abord attendre de connaître l'impact du resserrement monétaire sévère sur l’économie et l’inflation. La hausse du coût des crédits pour les ménages et les entreprises va peser de plus en plus sur les investissements et la demande. Au premier trimestre, la croissance américaine était encore solide, mais nous nous attendons à un affaiblissement important. Parallèlement, l'inflation élevée devrait continuer à fléchir et le marché du travail en pénurie devrait se refroidir.


Le taux américain ne devrait sans doute plus grimper mais il pourrait se maintenir à ce niveau élevé pendant un certain temps encore. Les marchés financiers tablent sur la perspective de baisses de taux cette année encore. Mais le président Powell a essayé de calmer cet enthousiasme. «Sur la base de nos perspectives en matière d’inflation, il ne serait pas opportun de diminuer le taux», selon Powell. Le marché monétaire compte toutefois encore sur une baisse de taux de 75 points de base d’ici la fin de cette année. Une récession et une forte rechute de l’inflation (structurelle) pourraient inciter la banque centrale à abaisser le taux à partir de septembre.


Les problèmes du secteur bancaire américain n’ont finalement pas eu beaucoup d'influence sur la décision concernant le taux. «Le secteur bancaire est sain et résilient», a-t-on entendu, malgré les récents problèmes.


La situation est totalement différente dans la zone euro. La hausse de taux de 25 points de base constitue un ralentissement du rythme des augmentations de taux (voir graphique). En effet, l'augmentation du taux était deux fois plus élevée lors des trois dernières réunions. Mais, lors de la conférence de presse, la présidente Lagarde a clairement laissé entendre que la BCE n’est pas encore prête à faire une pause. Le taux va encore grimper ces prochains mois. Les taux actuels ne sont pas encore «suffisamment restrictifs» pour ramener l’inflation à l'objectif de 2%. Belfius Research s’attend encore à deux hausses de taux de 25 points de base cette année, ce qui amènera le taux de dépôt à 3,75% d’ici la fin de cette année. Selon nos prévisions (voir tableau), le taux à dix ans des obligations d’État belges atteindra 3,15% d’ici fin 2023. La BCE va également accélérer la suppression progressive de son portefeuille obligataire. À partir du mois de juillet, les obligations dans le cadre de l’APP (Asset Purchase Programme) qui arrivent à échéance ne seront plus réinvesties.


La lutte contre l’inflation n’est pas encore gagnée. L’inflation dans la zone euro s’élevait encore à 7% en avril. L'inflation structurelle (hors prix de l'énergie et de l'alimentation) a légèrement fléchi de 5,7% à 5,6%. Mais ce petit recul était dû à l’évolution baissière de l’inflation des matières premières, ce qui était attendu puisque les problèmes d'approvisionnement mondiaux se résolvent et que les prix de l'énergie continuent à baisser. Par contre, la hausse de l’inflation dans le secteur des services en avril était plus préoccupante. Nous pensons que l’inflation dans ce secteur restera élevée encore longtemps. Les charges salariales en hausse, surtout dans le secteur des services, constituent un poste de coûts important. La pénurie sur le marché du travail et les nouveaux accords salariaux visant à compenser l’inflation élevée pour les travailleurs feront encore grimper les salaires dans la zone euro. De plus, le secteur des services continue à bien tourner, contrairement à l'industrie faible, où les perspectives sont moins favorables. Le secteur des services représente 73% de la valeur ajoutée dans la zone euro.

Reste à savoir quand nous constaterons l’effet des hausses de taux successives sur l’inflation. Un taux plus élevé entraîne une forte baisse de la demande de crédits des ménages et des entreprises, ce qui a un impact négatif sur les investissements. L’enquête réalisée récemment auprès des banques concernant les crédits (Bank Lending Survey) montre que le resserrement des conditions financières auprès des banques européennes est plus important que prévu. «Mais le ralentissement et la force de l’impact de la politique monétaire sur l’économie réelle (et dès lors, sur l’inflation) restent incertains», selon la BCE.


Enfin, la présidente Lagarde a également lancé un appel aux autorités des États membres qui, avec leurs mesures de soutien, contribuent à l’augmentation de l’inflation. Maintenant que la crise de l’énergie se calme, ces mesures doivent immédiatement être supprimées. L'accent doit être mis sur la réduction de la dette publique élevée et sur l’augmentation de la productivité de l’économie.


MMI graph 1 - w18-1

MMI graph 2 - w18-1


Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil ou de recommandation d’investissement personnalisé, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. N'hésitez pas à contacter votre conseiller financier si vous désirez recevoir des conseils d’investissement personnalisés. Il se fera un plaisir d’examiner avec vous les conséquences éventuelles de cette vision sur votre portefeuille personnel d’investissements. Les chiffres mentionnés reflètent une situation à un moment donné et sont susceptibles d’être modifiés.


Les performances passées, les simulations de performances passées et les prévisions de performances futures d’un instrument financier, d’un indice financier, d’une stratégie ou d’un service d’investissement ne sont pas des indicateurs fiables des performances futures.

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