Quels secteurs ont le mieux résisté en bourse après le conflit ? Plus d'unité au sein de l'Union européenne : un espoir pour l'économie à long terme.

13 mars 2022

 

Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy

 
Au-delà du choc humanitaire, la crise ukrainienne interpelle par son côté imprévisible, son principal instigateur s’ingéniant à tromper et surprendre l’ensemble des contreparties, franchissant à chaque pas un nouveau seuil inconcevable.
Et pourtant. Sur le plan économique, des premières conclusions se dessinent. Pour l’immédiat, pour le moyen terme, et pour le long terme.

À court terme : les marchés boursiers résistent bien.


Avant toute chose, il y a lieu de rappeler que le monde boursier en général s’est montré particulièrement résilient à travers le conflit.


En date de rédaction de cet article, au 13 mars, le MSCI World © 1 ne perd que 2% en USD depuis le 24 février, début de l’invasion. Le dollar étant remonté par rapport à l’euro, la performance de cet indice est même positive en EUR sur la période pour l’investisseur européen.


Mais plusieurs thèmes ou secteurs se sont particulièrement illustrés : la Santé, les énergies alternatives, l’économie circulaire.


La santé


Le secteur de la santé, par son caractère plus défensif par nature, et par sa très faible exposition aux chocs économiques résultant du conflit et des sanctions qui en découlent, se comporte mieux que la moyenne depuis le début du conflit ; le MSCI World Health Care © (1) gagnant, depuis le 24 février, 2% en USD, et plus de 6% en EUR.

Les énergies alternatives


C’est une évidence, la spectaculaire hausse du pétrole aura des conséquences fondamentales sur notre rapport à l’énergie, du particulier aux plus hautes autorités, en passant par les entreprises.


L’impact sur le regain d’attractivité des énergies alternatives est immédiat et sans ambiguïté.


Entre le 24 février, début du conflit, et le 13 mars, date de rédaction de cet article, le géant de l’éolien Orsted2 gagnait 15% ; son concurrent Vestas gagnait plus de 30% sur la même période.


L’économie circulaire


L’autre changement de nos modes de pensées a trait à notre dépendance aux matières premières en général.


Si l’ensemble des matières premières ont vu leur prix augmenter au cours des dernières semaines, cela a aussi réveillé l’intérêt pour les solutions qui permettent de réduire cette dépendance.


Les entreprises leaders en recyclage ont le vent en poupe, comme l’illustre le parcours boursier de Loop Industries, leader en recyclage des plastiques PET, et qui a gagné plus de 40% , toujours sur la même période du conflit. Waste Management, leader américain de la revalorisation des déchets, gagnait 8,5% au même moment.

Pour le moyen terme : le ‘Pricing Power’, et la Chine


L’autre fil rouge de 2022, devenu rouge vif depuis l’explosion des prix énergétique, c’est bien entendu l’inflation.


Certaines entreprises ne se relèveront pas de cette hausse des coûts. En particulier si elles ont peu de marge de manœuvre pour les répercuter sur leurs clients.


D’autres, par contre, ont réussi à être tellement indispensables, ou appréciées de leurs clients que ces derniers se montrent plus compréhensifs en cas d’adaptations des prix au contexte actuel.


Les solutions innovantes (fameuses ‘disruptions’), le luxe, les marques ‘label’ (quand le nom à lui seul est signe de la meilleure qualité) sont autant de domaines d’activité dans lesquels les entreprises ont eu recours à leur ‘pricing power’, avec succès.


Ces entreprises n’étaient pas nécessairement immunisées contre les conséquences de la crise ukrainienne, et ont donc en général baissé avec le marché ces dernières semaines. Mais elles s’étaient montrées plus résilientes lors des publications des chiffres inflationnistes. Elles devraient maintenir cette résilience par la suite, lorsque tout un chacun aura compris que l’inflation est très probablement là pour durer.


Les grandes marques pourraient également être soutenues par la consommation intérieure chinoise. L’économie chinoise se retrouve en effet particulièrement découplée de nos régions : elle subit moins les conséquences du conflit en Ukraine, et présente l’énorme avantage de ne pas souffrir d’inflation élevée. Les autorités monétaires peuvent donc -fait assez rare dans le contexte actuel- se montrer plus accommodantes et ainsi soutenir la consommation domestique.


Pour le long terme : la nouvelle Europe


Poutine avait espéré que son invasion provoquerait la division de l'Occident. Or, c'est le contraire qui s’opère. Et même l'Allemagne, qui, depuis la chute du Mur, s'était engagée dans une voie plus favorable à la "Russie", a changé de position en quelques jours. Le chancelier Scholz a porté le budget militaire à 2 % et consacrera 100 milliards d'euros supplémentaires aux dépenses militaires de manière ponctuelle.


Les 100 milliards de nouveau budget militaire allemand ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Vladimir Poutine, bien malgré lui, est en train de consolider une Union Européenne jusque-là en perte de vitesse.


En amont, et en aval, les conséquences industrielles et en infrastructures sont gigantesques.


Si l'Union européenne n'a pas toujours brillé par son unité, Vladimir Poutine vient de la rendre plus résolue et plus unie.


Bien entendu, l’Europe est la plus exposée à la crise actuelle ; il est donc hasardeux de s’y précipiter maintenant, sans visibilité sur l’évolution des événements des prochains mois. Mais la suite s’annonce spectaculaire, et sera à suivre de près.


Conclusion


La résilience immédiate de certains secteurs ou thèmes illustre la puissance des tendances sur lesquelles ils reposent. L’épuisement des ressources, le réchauffement climatique, et leurs conséquences, même sanitaires, restent les défis majeurs de l’Humanité.


La santé, les nouvelles énergies, l’économie circulaire sont autant d’axes porteurs et résilients, à court, moyen et long terme. L'inflation ne pourrait se replier quelque peu qu'à partir de 2023. Le ‘Pricing Power’ est redevenu un critère de sélection d’achat d’actions. La Chine est actuellement en mesure de mener une politique monétaire accommodante, ce qui profitera au marché intérieur. Une position limitée en actions chinoises constitue donc une diversification supplémentaire dans votre portefeuille d'investissement.


Voilà autant d’éléments sur lesquels appuyer ses décisions d’investissement. Aujourd’hui.


Et demain ? Nous vous reparlerons d’Europe, et de réveil industriel.

 
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1Source : MSCI ©

2Les entreprises citées le sont à titre d'exemple et ne constituent pas une recommandation.