L’inflation peut-elle encore augmenter?


Les chiffres de l’inflation en Belgique ne cessent de grimper. La hausse du prix d’un panier représentatif de biens de consommation s’est établie en mai à 8,97% par rapport à mai de l'an dernier. Calculée selon le critère européen, l’inflation en Belgique a même atteint 9,9% en mai. Les causes en sont connues. Des problèmes d’offre et des pénuries diverses, en combinaison avec une forte demande de produits, avaient déjà fait grimper les prix l'an dernier. La guerre en Ukraine entraîne cette année une accélération de l’inflation des prix de l’énergie, avec à la clé une véritable flambée des prix du pétrole et du gaz. Les problèmes d'approvisionnement se sont par ailleurs multipliés, d’où la montée en flèche des prix de l’alimentation.

Pour l’ensemble de 2022, Belfius Research table sur une inflation moyenne de 8,3% par rapport à l’an dernier. Dans notre scénario de base, l’inflation se maintiendra à peu près au même niveau jusque juillet, après quoi elle faiblira lentement, mais restera très élevée. En décembre, nous prévoyons toujours une inflation de presque 6%. L'année prochaine, nous voyons l'inflation revenir à un niveau moyen de 3,6%, principalement parce que les prix de l'énergie augmenteront beaucoup moins. Cependant, l'inflation sous-jacente (c'est-à-dire hors prix de l'énergie et de l'alimentation) reste élevée. Notre pronostic pour l’inflation s’entoure d’une grande incertitude, et le risque est clairement orienté à la hausse. Une rupture (temporaire) des livraisons de gaz russe, par exemple, pourrait encore accentuer la hausse du prix du gaz. Par ailleurs, l’embargo que l’Union européenne mettra en place d'ici la fin de l'année sur le pétrole de Russie fera grimper le prix de l’or noir encore plus que prévu dans notre scénario de base.


La consommation va-t-elle se maintenir?


Les hausses de prix entament le pouvoir d'achat des ménages. Autrement dit, nous pouvons moins consommer avec un même budget. Si le système d’indexation salariale automatique a un effet compensateur pour les fonctionnaires, les travailleurs et les allocataires sociaux par rapport à la hausse du coût de la vie, il est décalé et incomplet, étant donné que l’index n’intègre pas tous les coûts. En outre, le coût de l'énergie est plus lourd à supporter pour certains ménages. Les plus en difficulté sont les ménages à faible revenu qui, de justesse, ne peuvent bénéficier du tarif social élargi pour l'énergie. Pour l’instant, le niveau de consommation se maintient, malgré la baisse sensible de la confiance des consommateurs. Un statu quo que l’on doit notamment à un mouvement de rattrapage au niveau de la consommation de services à la suite de la réouverture de l’économie après la pandémie.


Moins d’investissements et une baisse de la demande d’exportation


Les entreprises sont confrontées à des frais élevés, une grande incertitude et des problèmes d'approvisionnement. Elles investissent dès lors moins. Ce sont surtout les entreprises actives dans les secteurs dépendant de l’énergie comme l'agriculture et les transports qui pâtissent de l’inflation des prix de l’énergie. La hausse des prix de l'alimentation se répercute principalement sur les entreprises de l’Horeca, les magasins d'alimentation et l’industrie alimentaire. Qui plus est, la détérioration de la situation économique dans le reste de l’Europe et du monde nuit aux perspectives d’exportation. L’inflation relativement élevée en Belgique et l’indexation salariale amenuisent par ailleurs la compétitivité des entreprises belges, par conséquent contraintes de céder de la part de marché à d'autres pays.

Le marché de l’emploi reste un point positif


Les perspectives demeurent favorables pour les demandeurs d’emploi. Avec un taux de vacance d’emploi (c’est-à-dire le nombre d’emplois vacants par rapport au nombre total d’emplois vacants et attribués) historiquement élevé, le marché de l’emploi reste particulièrement tendu. Un taux d’emploi élevé contribue positivement au pouvoir d'achat des Belges. Au second semestre de cette année, la croissance plus faible combinée à la hausse des coûts salariaux pourrait toutefois occasionner un ralentissement de la croissance de l’emploi. Pour l’ensemble de l’année, nous tablons sur une baisse du taux de chômage à 5,9%.


Scénario de stagflation


La croissance au premier trimestre de cette année s’est élevée à 0,5% (en glissement trimestriel). À partir du deuxième trimestre, Belfius Research s'attend à une stagnation de la croissance économique. Malgré cette stagnation, notre économie progressera encore en moyenne de 2,2% cette année, une conséquence statistique de la comparaison de notre PIB par rapport à celui de l'an dernier, encore lourdement impacté par la crise du Covid.


Augmentation du taux d’intérêt


La politique monétaire ne peut plus soutenir l'économie. L’inflation très élevée pousse la banque centrale européenne à passer à l’action. Dans la perspective du relèvement du taux directeur, le taux long a entre-temps fortement diminué. Selon Belfius, le taux à 10 ans pourrait encore grimper à 2,1% d’ici la fin de cette année, avec en corollaire des taux hypothécaires plus élevés et donc un affaiblissement de la croissance des investissements dans des habitations familiales.


De nouvelles mesures d'aide sont-elles envisageables?


Les pouvoirs publics ont déjà accouru au secours des consommateurs avec 2,7 milliards d’euros de mesures d'aide pour réduire la facture d'énergie des ménages. Les dépenses supplémentaires dans le cadre de la crise ukrainienne (accueil de réfugiés, dépenses militaires) stimulent aussi l'économie. On est en droit de se demander s’il est responsable de continuer à dépenser autant d'argent, alors que les finances publiques belges se présentent particulièrement mal. La persistance d’un déficit budgétaire élevé et la hausse du taux d’intérêt ne feront qu'aggraver notre endettement ces prochaines années.


MMI Tabel