Les partisans de Trump ont célébré récemment les 100 premiers jours de leur président. Son mandat a démarré sur les chapeaux de roue, avec la fermeture des agences fédérales, de nouveaux droits de douane, la déportation des immigrés… Pourtant, les réalisations concrètes sont limitées, la confiance des consommateurs s’est effondrée et, sous la pression des marchés financiers, Trump a dû baisser le ton. Nous examinons l’impact de sa politique sur l’économie mondiale et les marchés financiers.
Au premier trimestre, l’économie américaine a fléchi de 0,3%, mais nous ne devons pas prendre ce pourcentage à la lettre. Ce recul est principalement dû à la forte augmentation des importations, conjuguée à une baisse des exportations, ce qui a un impact négatif sur le produit intérieur brut (PIB). Les entreprises américaines ont importé beaucoup plus que d'habitude parce qu’elles anticipaient la hausse des droits de douane à partir du mois d'avril. Et, malgré la météo hivernale, le consommateur a continué à répondre présent. Reste à savoir si ce sera encore le cas ces prochains mois.
Contraction de l’économie américaine au premier trimestre
Même si le PIB est révélateur du passé, il ne dit pas grand-chose sur l'avenir. Il arrive souvent que les bourses aient une longueur d'avance. Pour le moment, Wall Street ne tient pas compte d'une récession. La correction boursière survenue depuis le «Liberation Day» du 2 avril, avec l’annonce de droits de douane «réciproques», a été entièrement balayée le 2 mai.
L'indice boursier américain S&P 500 a plongé de 11%1 entre le 31 mars et le 8 avril et le taux à 10 ans américain a grimpé de 0,5%. C’est surtout ce dernier qui n’a pas laissé le président indifférent. Le 9 avril, il a alors annoncé une pause de 90 jours dans les droits de douane, donnant ainsi de la marge aux partenaires commerciaux pour négocier les taxes. Conséquence: les investisseurs ont réagi avec soulagement et les cours boursiers ont augmenté de 17%1 entre le 9 avril et le 12 mai. Le taux d'intérêt est légèrement redescendu.
Maintien du taux directeur en raison de la solidité du marché du travail
La banque centrale américaine ne s’est pas laissé tenter par une baisse du taux. Elle souhaite plus de clarté concernant l’impact des taxes sur l’inflation et le chômage. Pour le moment, le taux de chômage est relativement stable et encore historiquement bas, à 4,2%. Le marché du travail continue à créer suffisamment de nouveaux emplois. C’est un signal qui donne de l’espoir car cela signifie que les entreprises semblent quand même provisoirement disposées à faire de nouveaux investissements en dépit du climat d'incertitude.
Résistance de l’économie de la zone euro
Au premier trimestre, l'économie de la zone euro a enregistré une croissance de 0,4% par rapport au quatrième trimestre. C’est un peu mieux que prévu et cela s’explique en partie par l’augmentation des exportations vers les USA. Les entreprises ont essayé de vendre le plus possible avant l’introduction des droits de douane.
Chez nous aussi, la confiance des consommateurs fléchit, ce qui se reflète dans les ventes au détail qui restent faibles. La baisse de l’inflation est bienvenue et a permis à la Banque centrale européenne (BCE) de réduire le taux d'intérêt. Peut-être abaissera-t-elle encore le taux une ou deux fois au second semestre, pour donner un ballon d'oxygène à l’économie.
La récente diminution des prix du pétrole et du gaz est une aubaine pour nos entreprises. La combinaison d’une offre beaucoup plus élevée – l’OPEP pompe plus de pétrole – et de la crainte d'une forte baisse de la demande a déjà entraîné un recul du prix du pétrole2 de plus d'un cinquième cette année.
La Chine se tracasse-t-elle de Donald Trump?
La rivalité entre les USA et la Chine n’est pas de nature cyclique mais structurelle. Les USA ambitionnent une restructuration des chaînes d’approvisionnement mondiales et la réduction du déficit commercial avec la Chine demeure l'une des plus grandes priorités du président Trump.
Au départ, aucun report n’était accordé à la Chine et, en raison du retour de flamme de Pékin, les droits de douane américains ont même été augmentés à 145%, alors que les taxes chinoises sur l’importation des produits américains s’élevaient à 125%. Il n’est pas étonnant que le commerce se soit arrêté. Cela ressort, par exemple, de la forte baisse des tarifs des transports par conteneurs de la Chine vers les USA.
Au cours du week-end des 10 et 11 mai, le ministre des Finances américain, Scott Bessent, a discuté avec le vice-premier ministre chinois. Résultat? Une trêve de 90 jours a été convenue, durant laquelle les deux grandes puissances ont diminué fortement leurs taxes réciproques: les USA à 30% et la Chine à 10%. Bessent a souligné que les «USA et la Chine ne veulent pas se séparer sur le plan économique».
Les négociations se poursuivront au cours des trois prochains mois. Les tensions sous-jacentes n’ont toutefois pas disparu, principalement parce que les USA essaient de convaincre d'autres pays d'introduire leurs propres restrictions sur le commerce avec la Chine. Les clauses de l’accord commercial entre les USA et le Royaume-Uni soulignent ce point car elles semblent contraindre le RU d’exclure la Chine des chaînes d'approvisionnement de produits importants sur le plan stratégique. Il n’est, dès lors, pas sûr que Pékin fasse encore beaucoup de concessions.3
La demande américaine de produits chinois ne représente que 2,3 à 2,8% du PIB chinois. L'an dernier, la Chine a exporté pour 3,7 milliards de renminbis de produits aux USA. À titre de comparaison, la consommation intérieure chinoise représentait 43,2 milliards de renminbis dans le commerce de détail. Si la consommation intérieure n'augmente que de quelques pour cent ces prochaines années, cela pourrait compenser la baisse des exportations vers les USA. Mais, pour ce faire, Pékin devra augmenter les transferts fiscaux aux ménages beaucoup plus qu’annoncé jusqu'à présent.4
La stratégie d'investissement de Belfius
Jusqu’à présent, la meilleure stratégie consiste à garder la tête froide et à ne pas céder à la panique en vendant ses actions. Cela signifie que nous restons fidèles aux profils d'investisseur et que nous visons une pondération neutre en actions. Depuis le début de cette année, nous avons, au niveau régional, progressivement augmenté la position en actions européennes aux dépens des USA. En avril, nous avons acheté quelques actions japonaises qui se joignent maintenant clairement au rallye boursier plus large. Des discussions sont en cours entre le Japon et les USA concernant les droits de douane.
La position en actions américaines est inférieure à la pondération dans l'indice boursier mondial MSCI World. Pour le volet obligataire, nous optons surtout pour des obligations européennes. La confiance internationale dans les institutions américaines en a pris un coup ces derniers mois, mais cela ne signifie pas que nous perdons confiance dans les USA. En effet, l’économie américaine se distingue toujours par:
- Une culture d'innovation et d’entrepreneuriat
- Un marché du travail dynamique
- Une productivité élevée et une meilleure croissance bénéficiaire
- La taille et la liquidité des marchés de capitaux américains
Mais les actions politiques américaines sont très imprévisibles à court terme. Les marchés financiers ont clairement fait comprendre à Trump que toute démarche agressive pour augmenter les taxes déclenchera des problèmes économiques. C’est pourquoi nous espérons que Trump finira par conclure des accords commerciaux (aussi avec la Chine) et, dans ce cas, l'économie américaine pourra progresser de 1,5%5 en 2025.
Ces dernières semaines ont démontré clairement que le risque de fluctuations boursières et des taux reste important, mais dans les deux sens. L’euphorie et le pessimisme se succèdent rapidement. Rester investi et échelonner les achats d'actions dans le temps peut être une bonne stratégie pour l’investisseur à long terme.