Économie solide et optimisme béat par rapport aux mesures à venir du président Trump pour les entreprises. Deux facteurs qui ont propulsé les Bourses américaines à des records en 2024. Mais cela va-t-il continuer ? Le taux américain à dix ans a augmenté et flirte de nouveau avec la barre des 5 %. En outre, les prévisions de diminutions futures des taux par la Banque centrale américaine ont été fortement revues à la baisse. Les marchés ne prévoient plus cette année qu’un seul abaissement du taux officiel à court terme. L’inquiétude des investisseurs en actions est-elle justifiée ou non ? Une analyse.
Le plus important sera d’observer les relations entre les perspectives de taux, de croissance et de bénéfices des sociétés. Au final, le prix d’une action reflète la valeur de ses bénéfices futurs. Une croissance du bénéfice attendue plus élevée fera augmenter les prix des actions, mais une hausse des taux peut jouer le rôle de trouble-fête.
Pour connaître aujourd’hui la valeur des bénéfices futurs, ils sont recalculés ou escomptés à un taux d’intérêt. Plus ce taux d’intérêt sera élevé, moins les bénéfices que les entreprises engrangeront à l’avenir auront aujourd’hui de la valeur. À l’inverse, plus le taux baisse, plus les bénéfices futurs ont actuellement déjà de la valeur.
Les taux et la rentabilité peuvent évoluer en sens opposé et l’effet sur le cours des actions est alors clair. Une hausse des taux d’intérêt et une baisse de la rentabilité sont une mauvaise nouvelle pour l’investisseur en actions. Si ces deux facteurs évoluent dans le même sens, l’effet sur le cours des actions est moins univoque. Le passé peut nous apporter davantage d’explications.
Période 1970-1981 : les taux, un facteur déterminant de l’évolution boursière
Le principal problème dans les années ’70 : l’inflation élevée. La Federal Reserve, la Banque centrale américaine, est intervenue en augmentant les taux pour freiner la demande de biens, ce qui a engendré un recul de l’économie et, par conséquent, une baisse des bénéfices. L’inflation américaine a atteint son sommet en 1980. L’investisseur en actions connaissait une période difficile. Une hausse des taux faisait à chaque fois baisser les cours boursiers.
Dans les années ’80, les taux demeuraient le facteur dominant : la diminution des taux d’intérêt et de l’inflation apportait une bouffée d’oxygène aux Bourses. Globalement, l’augmentation des bénéfices restait modeste.
Années ’90 : les bénéfices occupent le devant de la scène
Fin des années ’80, début des années ’90, des banques d’épargne américaines sont tombées en faillite, touchées par la crise des ‘Savings & Loan’. La Federal Reserve était intervenue en abaissant les taux de manière draconienne. Ces baisses de taux n’ont toutefois pas pu empêcher la dégringolade de la Bourse américaine en 1990. C’était la première fois depuis les années ’70 qu’une baisse de taux n’annonçait pas immédiatement une reprise des Bourses. Les bénéfices étaient avancés comme étant la principale explication des prestations boursières.
Les ‘marchés baissiers1 prononcés’ en 2000, 2008 et 2020 ont tous été précédés d’une chute des bénéfices, tandis que les taux reculaient déjà avant le krach sur le marché boursier.
La seule exception était 2022, où la hausse des taux a engendré l’effondrement du bénéfice par action et des cours des actions. Un "remake" des années ’70 en quelque sorte.
La flambée de l’inflation après la pandémie de Covid-19 a nécessité une intervention musclée de la Fed. Par crainte d’un emballement de l’inflation et d’une hausse persistante des taux d’intérêt, la Bourse a connu une mauvaise année 2022.
Depuis la fin 2022, l’inflation a fortement régressé et les Bourses sont de nouveau davantage dominées par les bénéfices plutôt que par les taux d’intérêt. Nous pouvons conclure qu’en période de diminution de l’inflation, les mouvements intermédiaires de hausse des taux d’intérêt sont plutôt un signe de la solidité de l’économie et que les Bourses réagissent davantage à l’évolution attendue des bénéfices.
La hausse des taux actuelle est une reconnaissance du dynamisme de l’économie américaine
Depuis début décembre, le taux à dix ans a gagné 0,50 %, mais l’économie et le marché de l’emploi américains restent fermes. Belfius Research table sur une croissance d’environ 2,7 % pour 2025. Cela signifie que les bénéfices peuvent continuer à augmenter. Actuellement, la croissance attendue des bénéfices s’élève à 14 % pour 2025 aux États-Unis2.
L’inflation peut encore diminuer mais l’essentiel de la baisse est probablement déjà passé. Cela signifie qu'il y a moins de marge pour de nouvelles diminutions de taux, mais cela ne doit pas être un problème pour l’investisseur en actions, justement parce que les bénéfices resteront sans doute au rendez-vous. Belfius opte donc principalement pour des actions américaines (55 à 60 %) dans un portefeuille d’actions bien diversifié.
Conclusion : surveiller de près l’inflation
Le risque de cette vision est l’inflation, un facteur important à surveiller de près. Si elle devait de nouveau s’envoler et si la Fed était obligée de majorer ses taux, l’économie risquerait de se retrouver dans la tourmente, ce qui signifierait un scénario négatif pour les Bourses.
Une flambée de l’inflation n’est sans doute pas à l’ordre du jour en 2025 en raison de la forte croissance de la productivité aux États-Unis et de la fermeté du dollar qui rend les importations meilleur marché. La politique fiscale de Trump visera plutôt à stimuler l’économie. En outre, les finances des entreprises et des ménages américains sont saines. La consommation sera aussi le moteur de l’économie américaine en 2025 et apparemment, cette dernière continuera à tourner à plein rendement au cours des prochains mois.