Pension complémentaire: aussi pour les administrateurs d’asbl

La Cour de cassation a tranché: à l’égard de l’impôt sur les revenus, les administrateurs d’asbl ou d’autres personnes morales du secteur non marchand sont considérés comme des «dirigeants d’entreprise» percevant une rémunération. Par conséquent, les asbl aussi peuvent accorder une pension à leurs administrateurs «rémunérés» ainsi que les garanties incapacité de travail ou frais médicaux. Distinction et comparaison des différents statuts possibles.

Rémunération ou profits?

La nature du revenu professionnel payé à un administrateur d’asbl est controversée depuis des années. 


Certains avancent que le revenu professionnel d’un administrateur d’asbl doit être imposé en tant que «rémunération de dirigeant d’entreprise». Alors que d’autres considèrent que le régime fiscal applicable à celui-ci s’adresse uniquement aux mandataires de sociétés et que les revenus professionnels des administrateurs d’asbl en sont en principe exclus et doivent donc être imposés en tant que «profits» (catégorie résiduelle). 


Ce dernier point de vue a été adopté il y a une dizaine d’années par le ministre des Finances de l’époque, Didier Reynders, et l’administration fiscale s’y était depuis lors plus ou moins ralliée.

Impôt des personnes morales ou des sociétés?

Il y a lieu d’opérer une distinction entre les asbl qui sont imposées à l’«impôt des personnes morales» et celles imposées à l’«impôt des sociétés». 


Ce peut être le cas lorsque l’asbl doit être considérée comme une «société» aux fins de l’application des impôts sur les revenus. D’un point de vue strictement juridique, une asbl n’est en effet pas une «société», mais bien une «association». Mais si celle-ci exploite une entreprise ou réalise des opérations de nature lucrative, elle sera quand même considérée comme une «société» au regard du droit fiscal. 


C’est ainsi que depuis quelques années, de plus en plus d’asbl sont imposées à l’impôt des sociétés. Il est généralement admis que le revenu professionnel des administrateurs d’asbl imposées à l’impôt des sociétés doit être imposé en tant que «rémunération de dirigeant d’entreprise».

Avantages du régime de profits

Le débat qui perdure depuis des années concernant la qualification du revenu professionnel porte donc essentiellement sur le revenu professionnel des administrateurs d’asbl imposées à l’impôt des personnes morales. Mais la problématique touche aussi toute une série d’autres types de personnes morales de droit public ou de droit privé (intercommunales, fondations…). 


Bien que tous les revenus professionnels soient en principe soumis aux mêmes taux d’imposition progressifs, on note quand même de nombreuses différences en fonction du type de revenu professionnel. Ce qui explique qu’un contribuable peut parfois avoir intérêt à faire entrer ses revenus professionnels dans telle ou telle catégorie. 


Certains administrateurs d’asbl préfèrent que leur revenu soit imposé dans le régime des «profits» avec pour avantage de bénéficier d’un montant plus élevé de frais professionnels forfaitaires, d’être dispensé de précompte professionnel à la source sur leur revenu, de faire une attribution à leur conjoint aidant... 

Sans oublier qu’ils échappent au principe dit «d’attraction», uniquement applicable aux bénéficiaires de «rémunérations de dirigeant d’entreprise».

Statut de dirigeant d’entreprise: un atout de taille

Néanmoins, le fait qu’un administrateur d’asbl soit qualifié de «dirigeant d’entreprise» percevant des «rémunérations de dirigeant d’entreprise» présente un avantage non négligeable: il n’y a que dans ce cas qu’il peut bénéficier d’une pension ou d’un autre type d’engagement de prévoyance (incapacité de travail, frais médicaux…). En cas d’intérêt pour ce type d’avantages extralégaux, la balance penchera généralement en faveur de ce statut. 


Les bénéficiaires de «profits» sont structurellement exclus de ce type de régimes de pension et de prévoyance. Ce dont témoignent différentes dispositions de la législation fiscale: pensons à la limite de 80% qui est calculée en fonction de la rémunération et non des profits; les primes de pension et de prévoyance ne sont exonérées au titre d’avantage de toute nature que pour les dirigeants d’entreprise, etc. De même, la législation récente concernant les pensions complémentaires (LPC-dirigeants d’entreprise, introduite en 2014) vise uniquement les engagements de pension complémentaire envers des «dirigeants d’entreprise» pour qui elle reprend la définition fiscale de «dirigeant d’entreprise» avec des «rémunérations de dirigeant d’entreprise».

Un arrêt qui fait date

Le 11 mars 2016, la Cour de cassation a rendu un arrêt important portant sur le revenu professionnel d’un administrateur d’une «personne morale de droit public». L’administration fiscale voulait imposer ce revenu en tant que «profits», alors que l’administrateur estimait devoir être imposé comme «rémunération de dirigeant d’entreprise». 


La Cour de cassation a donné raison à l’administrateur, estimant que pour que les revenus professionnels d’un administrateur puissent être qualifiés de «rémunérations de dirigeant d’entreprise», il n’est pas nécessaire que le débiteur de ces revenus professionnels soit considéré fiscalement comme une «société».

Conclusion

Nous pouvons en conclure que tous les administrateurs d’asbl doivent en principe être considérés comme des «dirigeants d’entreprise» qui perçoivent des «rémunérations de dirigeant d’entreprise». Un précompte professionnel doit être retenu sur celles-ci et seul un forfait limité de frais professionnels peut être déduit de ces revenus professionnels. Mais – et ce n’est pas négligeable – ces administrateurs d’asbl, à l’instar des dirigeants d’entreprise indépendants de sociétés lucratives ordinaires, peuvent se voir attribuer des engagements de pension et autres engagements de prévoyance.


Il n’y a plus qu’à attendre de voir si l’administration fiscale va se rallier au point de vue de la Cour de cassation. Mais il y a fort à parier que le monde de la prévoyance complémentaire va désormais s’ouvrir aux administrateurs d’asbl et aux personnes morales comparables.


Par conséquent, si les administrateurs d’asbl veulent profiter d’une pension complémentaire ou d’un autre type d’engagement de prévoyance, ils doivent déclarer leur revenu professionnel en tant que rémunération de dirigeant d’entreprise.


Prochainement, les indépendants qui ne sont pas en société pourront eux aussi développer leur pension complémentaire du 2e pilier.

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