Dividendes de source française

Interrogé par la presse le 20 janvier dernier, le Ministre des Finances a déclaré que l’administration fiscale allait se conformer au dernier arrêt de la Cour de cassation (15 octobre 2020) en ce qui concerne la fiscalité applicable aux dividendes de source française. Les contribuables concernés devraient donc pouvoir demander l’imputation de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (ci-après, «QFIE») sur l’impôt prélevé sur leurs dividendes de source française et être imposé à ce titre à un taux global de 25,88% (plutôt que 38,96%). L’administration fiscale n’a toutefois pas encore communiqué officiellement en ce sens.

Bref rappel des principes


L’attribution d’un dividende de source française à un résident belge fait l’objet d’une retenue à la source en France avant d’être précompté en Belgique au taux de 30%. Cette double imposition est cependant tempérée par l’application de la convention préventive de double imposition conclue entre la France et la Belgique (ci-après, «la CPDI franco-belge»).


La CPDI franco-belge prévoit en effet que les dividendes soient imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire - la Belgique - et permet à l’État de la source - la France - de retenir un impôt de maximum 15%. Cette retenue à la source française s’élève de facto à 12,8% pour autant que le contribuable ait mis en œuvre les démarches nécessaires pour démontrer que sa résidence est située dans un État membre de l’EEE (et ne contribue pas à la sécurité sociale française).


Pour éviter la double imposition, la CPDI franco-belge prévoit l’imputation par la Belgique d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger d’au moins 15% du «net frontière» (soit le montant brut du dividende diminué de la retenue à la source française). La convention stipule cependant que cette imputation ne peut être postulée que dans les conditions fixées par la législation belge. Or, la législation belge ne prévoit plus l’imputation d’une QFIE pour les dividendes étrangers depuis 1988, raison pour laquelle l’administration fiscale a toujours refusé de faire droit aux contribuables qui sollicitait l’application de ce crédit d’impôt.

Contexte actuel


La Cour de cassation s’est cependant prononcée en cette matière dans deux arrêts (des 16 juin 2017 et 15 octobre 2020) aux termes desquels elle a rappelé le principe de la primauté du droit international et donc des CPDI sur le droit interne belge. Cela a pour conséquence que lorsqu’un résident belge perçoit un dividende de source française, la Belgique doit lui octroyer un crédit d’impôt s’élevant au minimum à 15% du net frontière. Le Ministre des finances a déclaré se conformer à cette jurisprudence.


L’administration fiscale devrait donc prochainement confirmer cette position sous la forme d’une communication officielle ou d’une circulaire.


Concrètement, un résident fiscal belge percevant un dividende de source française qui demanderait l’imputation de la QFIE subira une imposition globale de 25,88%:


Dividende brut 100 100
Retenue à la source étrangère -12,8 -12,8
Brut 87,2 87,2
Précompte mobilier belge (30%) -26,16 -26,16
Net 61,04 61,04
QFIE +13,08
Dividende net 74,12
Fiscalité totale 38,96% 25,88%

Modalités de remboursement


Les démarches liées à l’imputation de la QFIE doivent être mises en œuvre par le contribuable lui-même. Il n’y a en effet pas d’imputation automatique. Il appartient donc à chaque contribuable de faire le nécessaire.


Dividendes reçus à partir de 2020


En ce qui concerne la période imposable 2020 et les années à venir, si vous êtes concerné, vous pourrez postuler l’imputation de la QFIE via votre déclaration fiscale (cadre VII «revenus des capitaux et biens immobiliers», rubrique F). Pour les dividendes perçus à partir de 2020, vous recevrez un relevé détaillé de l’ensemble des dividendes perçus par pays sur votre (vos) compte(s) Belfius au cours de l’année concernée.


Dividendes reçus avant 2020


Si vous avez bénéficié de dividendes de source française pour des années antérieures à 2020, vous pouvez demander l’imputation et le remboursement de la QFIE via une procédure administrative à mettre en œuvre dans des délais spécifiques selon que le dividende aura fait l’objet d’un précompte (versé sur un compte ouvert auprès d’une banque belge) ou aura été indiqué dans votre déclaration fiscale comme revenus étrangers non précomptés (versés sur un compte détenu à l’étranger). Le délai pour introduire une procédure de réclamation ou de dégrèvement d’office dépendra de l’enrôlement ou non de ces revenus.


Pour les dividendes de source française qui auront été payés sur un compte Belfius, vous pourrez demander un relevé détaillé des dividendes perçus annuellement sur le compte. Si vous souhaitez lancer une procédure administrative de remboursement de QFIE, nous vous conseillons vivement de vous faire assister d’un avocat/conseiller fiscal spécialisé en la matière. N’hésitez pas à prendre contact avec votre Wealth Manager qui pourra vous aiguiller.

Et à l’avenir?


Il a été annoncé officiellement qu’une nouvelle CPDI franco-belge a fait l’objet d’un accord entre les deux pays. Le texte de cette nouvelle convention n’est pas encore accessible mais certains annoncent déjà dans la presse que la «disposition QFIE» n’y serait plus reprise. Aussi, son entrée en vigueur (en 2023 ou 2024) entrainerait un retour en arrière et la taxation du net frontière sans imputation de QFIE. Affaire à suivre donc ...