Les banques centrales restent à la manœuvre


26 janvier 2023 - Els Vander Straeten

Jamais encore il n’y avait eu autant d’obligations à taux d'intérêt négatif que fin 2020. En dollars américains, cela représentait quelque 18.400 milliards de dollars. Courant 2022, ce stock d'obligations a fondu comme neige au soleil. Et le 20 décembre, lorsque la banque centrale du Japon a été la dernière à annoncer une politique moins accommodante, la période des taux négatifs a pris fin.


En 2023, nous revenons à une situation plus normale, où tant l’épargnant que l’investisseur obligataire sont rétribués pour prêter de l’argent. Quel sera le niveau de cette rétribution? Tout dépendra de la politique des banques centrales. Qui, à leur tour, scrutent la croissance et l’inflation.


La Banque centrale européenne tient bon


La Banque centrale européenne (BCE) reste fermement résolue à lutter contre l'inflation, même si celle-ci a reculé en décembre en raison de la baisse des prix du pétrole et du gaz. Lors du Forum économique mondial de Davos, Christine Lagarde a prévenu que l'inflation est encore beaucoup trop élevée et que la banque centrale ne cessera pas de prendre des mesures pour ramener l'inflation à l'objectif de 2 %. Car la BCE se concentre principalement sur l’inflation sous-jacente, qui ne tient pas compte des prix volatils de l'alimentation et de l’énergie. Et là, on ne constate encore aucun recul.


En novembre, le chômage s'est stabilisé à 6,5% dans la zone euro. Certains secteurs éprouvent des difficultés à trouver du personnel. Les syndicats réclament donc des augmentations salariales pour préserver le pouvoir d'achat. En décembre, la BCE a prévu qu’en 2023, les salaires par travailleur dans la zone euro augmenteraient de 5,2%. À leur tour, les entreprises répercutent ces hausses de salaires sur les prix, déclenchant ainsi la redoutable spirale salaires-prix. La BCE entend empêcher cela coûte que coûte, en relevant les taux d’intérêt.


Chez Belfius Research, nous nous attendons à ce que le taux directeur soit relevé de 0,50% en février et en mars. Fin 2023, il pourrait atteindre 3,25%. Et en 2024, nous ne voyons aucun changement en matière de politique monétaire. L'inflation et la hausse des taux pèsent sur la consommation et les investissements. C’est pourquoi, dans le meilleur des cas, nous tablons sur un statu quo de l'économie dans la zone euro en 2023.


La Banque centrale américaine peut-elle rester dans l’expectative?


La Federal Reserve (Fed), ou Banque centrale américaine, s’efforce également de juguler l'inflation en jouant la carte des relèvements de taux. En 2022, elle a relevé son taux en 7 étapes, de 0 à 4,5%.


Aux États-Unis, par contre, l'inflation sous-jacente recule déjà. Et les analystes se mettent tout doucement à spéculer sur la fin du cycle des relèvements des taux. Certains envisagent même déjà des baisses de taux dès le deuxième semestre 2023, vu le ralentissement de l'économie et le risque d'entrer en récession. Une baisse de taux en 2023 nous semble relativement improbable. Pour les membres de la Fed, la fermeté reste de mise.


Nous prévoyons un taux d'intérêt officiel à court terme de 5% fin 2023. L’année suivante, les taux pourraient baisser jusqu’à 3,75% fin 2024.
Aux États-Unis aussi, l'économie poursuivra son ralentissement. Selon Belfius Research, la croissance économique n’atteindra que 0,5% en 2023, à condition que l'inflation recule encore progressivement.



Graphique: Aux États-Unis, l’inflation sous-jacente entame un léger recul


Comment évolueront les taux à long terme?


Le taux à long terme est le résultat de l'offre et de la demande. En principe, il n’est donc que peu influencé par les banques centrales. Combien un investisseur entend-il obtenir pour prêter son argent à plus long terme? Combien le débiteur est-il prêt à payer?


Après la grande crise financière de 2008, la BCE a donné aux banques la possibilité de contracter des crédits à 1 an ou à 3 ans. En 2015, comme la quasi-totalité des autres banques centrales des pays développés, elle a procédé à des achats d'obligations pour faire pression sur les taux à long terme. En effet, l'inflation n'était pas un problème, l'objectif de 2% n’était même pas atteint.


Les crises du Coronavirus et de l'énergie sont venues contrecarrer le scénario de l'argent bon marché. L'inflation a fait son retour. Avant même que les banques centrales ne relèvent les taux à court terme, les investisseurs exigeaient déjà des bonifications d’intérêt plus élevées. Dans l’intervalle, les banques centrales ont mis fin à leurs achats d'obligations et les obligations arrivées à échéance ne sont plus réinvesties. Cela pourrait pousser les taux à la hausse, mais par ailleurs, l’inflation élevée freine la demande de crédit. C’est ce qui explique pourquoi les taux à long terme n'augmentent pas davantage.



Graphique: Le taux allemand à 10 ans augmentait déjà bien avant le premier relèvement de taux par la BCE.


Aux USA, le taux à 10 ans est même inférieur au taux à court terme. C'est souvent le signe avant-coureur d'une récession. L'évolution du taux à long terme dépend donc de nombreux facteurs. Si l'inflation continue de baisser, cette année, le taux US à 10 ans pourrait se stabiliser aux alentours de 3,70%, et le taux allemand à environ 2,50%.


2023: une année plus favorable pour l’investisseur obligataire?


La hausse des taux et la possible stabilisation des taux à long terme aux niveaux actuels constituent une bonne nouvelle pour les investisseurs. La partie obligataire des fonds mixtes peut à nouveau jouer son rôle de tampon contre les fluctuations des cours boursiers. Nous optons pour des obligations assorties d’une échéance à 4 ou 5 ans et privilégions les obligations d'entreprises de bonne qualité (Investment Grade). Elles présentent un rendement potentiel supérieur par rapport aux obligations d'État. En outre, les entreprises au bilan solide devraient surmonter sans trop de dommages la période de ralentissement économique qui s’annonce.


Comment les bourses évolueront-elles en 2023? C’est difficile à prévoir. Les valorisations sont d’ores et déjà inférieures à celles d’il y a un an. La croissance des bénéfices attendue en 2023 est plutôt modeste: en moyenne 3,2% pour les entreprises du S&P 500 américain, et 1,6% pour le Stoxx Europe 600. L'évolution des bénéfices et des perspectives bénéficiaires dépendra principalement de l'inflation, de la croissance, et des réactions des banques centrales. Sachez que les marchés boursiers ont toujours une longueur d'avance sur la réalité économique: dès lors, 2023 sera peut-être une année boursière plus favorable que 2022.



Els Vander Straeten




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