Banques centrales et présidents sur le pied de guerre


17 août 2022 - Els Vander Straeten

En juillet, l'actualité a été dominée par Lagarde, Powell, Poutine et Xi. Les deux premiers, présidents des banques centrales européenne et américaine, mettent tout en œuvre pour maîtriser les hausses de prix. Avec leurs actions et leurs discours menaçants, les présidents Poutine et Xi Jinping ont, en revanche, fait tout le contraire.

Une hausse du taux court et une stabilisation du taux long


Christine Lagarde a relevé le taux d’intérêt à court terme officiel européen de 0,50%, marquant la fin d’une période de 8 années de taux négatifs. Lorsqu’elles déposent des excédents de trésorerie auprès de la BCE, les banques ne doivent plus payer d’intérêts de pénalisation. Cependant, avec un taux de dépôt de 0%, elles ne perçoivent pas non plus d’intérêts. Et ce, contrairement à leurs concurrentes américaines. En effet, Jerome Powell a relevé le taux directeur pour la quatrième fois cette année à 2,50%. La Bank of England aussi, il y a quelques mois, a commencé à augmenter le taux d’intérêt. Le taux de dépôt s’y élève à 1,75%. Les déclarations des banques centrales font clairement ressortir une ferme intention de lutter contre l’inflation, même si l’économie doit en pâtir.


L'économie mondiale ralentit; c’est ce que révèle l’évolution du taux long. À la mi-juin, le taux américain à 10 ans grimpait à 3,50%, pour ensuite retomber à 2,75%. Le taux allemand à 10 ans s'élevait à la mi-juin à 1,80%, et il fluctue actuellement autour de 0,90%.1


Des tensions croissantes entre la Chine, Taïwan et les États-Unis


Après l’Ukraine, les tensions entre la Chine et Taïwan affligent aussi le monde. Taïwan a beau ne représenter que 1% de l’économie mondiale, il assume plus d’un tiers de la capacité de production mondiale de puces électroniques. Pour les puces plus sophistiquées, c’est même plus de 90%. Une entreprise en particulier mène le bal: Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (ou TSMC). Il s’agit, et de loin, du plus grand producteur au monde. Si TSMC s'arrête, c’est le monde qui s'arrête: ses puces sont d'une importance cruciale pour énormément de matériel industriel chinois, américain et européen. L’industrie automobile européenne, surtout, est très vulnérable.


Le détroit entre la Chine et Taïwan constitue la voie maritime principale pour le transport de marchandises d’Asie du Nord vers l’Occident. Presque la moitié de tous les porte-conteneurs passe par le Détroit de Taïwan. De légers retards suffisent à engendrer des problèmes mondiaux dans la chaîne d'approvisionnement. De plus, Taïwan est le quatrième centre de transbordement de conteneurs au monde. Sur les 10 plus grandes sociétés d'armateurs au monde, 3 sont taïwanaises (Evergreen Line, Yang Ming et WanHai Lines), avec une flotte totale de 500 porte-conteneurs. Pas étonnant que les investisseurs soient nerveux à chaque nouvel exercice militaire dans le Détroit de Taïwan.


Tout le monde a beaucoup à perdre


Rares étaient ceux qui, début février, s'attendaient à une attaque de Poutine en Ukraine. Et aujourd’hui encore, la plupart des analystes pensent qu’on n’arrivera pas à une guerre à Taïwan. D’un point de vue économique, les intérêts y sont, semble-t-il, même encore plus grands.


L’intérêt stratégique et la situation de l’île sont peut-être ce qui la sauveront. Ni l’Amérique ni la Chine n’ont intérêt à ce que les tensions s'aggravent encore. Le secteur technologique américain dépend trop de la région: non seulement pour les puces, mais aussi, entre autres, pour l’assemblage et les exportations. L'économie chinoise connaît déjà des ratés, alors que nous sommes à la veille des élections dans le cadre desquelles le président Xi vise un troisième mandat.


Selon le bureau d'étude Alpine Macro2, il est cependant évident que Pékin veut une influence économique totale à Taïwan. Le coût d’une rupture serait dès lors inabordable. Toujours selon Alpine, les milieux économiques taïwanais sont toujours, dans l’ensemble, pour une réconciliation ou un statu quo des relations. C’est pourquoi les sanctions que Pékin a infligées à Taïwan sont plutôt marginales. Espérons que les choses en restent là et que le conflit ne dégénère pas.


Du côté des bourses


Le redressement de la Bourse américaine depuis le 20 juin est remarquable, et les Bourses européennes ont elles aussi repris du poil de la bête en juillet. Les actionnaires ont réagi avec enthousiasme à la politique de la banque centrale américaine. Des résultats macroéconomiques ou des bénéfices moins optimistes que prévu n’ont toutefois pas réussi à miner les investisseurs. En fin de compte, les tensions relatives à Taïwan ont peu d’impact sur la Bourse.


Nous connaissons actuellement une situation où les bonnes nouvelles économiques sont plutôt défavorables pour les actions, alors que les mauvaises sont interprétées positivement par les Bourses... Les investisseurs espèrent que la montée des taux permettra un ralentissement suffisant de la croissance, afin de juguler l’inflation. Les banques centrales pourraient alors - peut-être dans le courant de 2023 - subtilement changer de stratégie et diminuer à nouveau le taux d’intérêt.


Notre conviction demeure inchangée: la probabilité que les cours d’actions partent à la hausse d’ici 6 mois semble plus grande que celle d'un nouveau plongeon vers des planchers record. Nous conservons dès lors notre vision neutre à l’égard des actions. Les prévisions d’inflation en baisse nous confortent dans ce sens. Les marchés évaluent l’inflation pour les 10 prochaines années à 2,3%, tant aux États-Unis qu’en Allemagne. Ils estiment donc que les banques centrales mèneront leur tâche à bien. Espérons qu’aucun leader mondial ne vienne les perturber.


(1) Vous pouvez consulter les chiffres cités via tradingeconomics.com

(2) Alpine Macro: Pelosi Visit: Now What? 9/08/2022




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